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30 septembre 2008 2 30 /09 /septembre /2008 07:09
Le pitch : Un commissariat est assiégé par une horde de voyous après qu'un homme s'y soit réfugié. Ce dernier vient d'abattre le meurtrier de sa fille. Rapidement, l'un des policiers devra faire équipe avec un truand pour défendre son commissariat.

En 1976, John Carpenter est un tout jeune cinéaste. Son seul titre de gloire est Dark Star, un film qu'il a tourné sur 5 ans avec Dan O Bannon et qui a été financé par à coup. Mais Carpenter a déjà le talent dans la peau.Son film d'étudiant La résurrection de Bronco Belly a été nominé à l'Oscar. Fasciné par les westerns, il rêve de tourner de nouvelles versions de Rio Bravo, le film mythique d'Howard Hawks. Mais la mode n'est plus aux shérifs et aux grands espaces. Qu'à cela ne tienne, Assaut sera un western urbain, un déguisement des grands mythes de l'ouest : le fort assiégé, les Indiens, le courage des pionniers. L'arrivée de la cavalerie, le tout dans un univers clos et carcéral.

Si Assaut fut un échec public (bien que n'ayant pas coûté bien cher. de toute façon, Carpenter se rattrapera avec Halloween et Fog), il a progressivement acquis une aura culte dans le monde et a servi de base au mythe du réalisateur. Tous les aspects de son travail sont déjà là : musique électronique et répétitive, longue exposition des personnages, plans séquences fabuleux (un aspect qu'il abandonnera au milieu des années 90 pour un montage plus cut) où la caméra semble survoler l'action, cinémascope impeccable (le dvd français est hélas légèrement recadré) et composition des plans exceptionnelle. Mais surtout , une certaine attirance pour les anti-héros, les repris de justice, les salauds au grand coeur. Le premier personnage carpentien se nomme Napoleon Wilson, un condamné à mort qui, sans hésiter, se rangera du côté des policiers assiégés. Sans doute parce qu'il a compris qu'il y avait sans doute pire que lui. Cette idée sera reprise dans des dizaines de films. Citons Une nuit en Enfer où les deux frères se rendent compte que les vampires sont pire qu'eux. Autre constance du héros carpentier : l'utilisation d'une phrase fétiche. Pour Wilson, c'est "T'as pas un clope". Ce gimmick aussi donnera naissance à des dizaines de personnages, tant au cinéma que dans les comics books.

Assaut, film fondateur ? Oui et non. Oui car c'est la base de la filmo de Carpenter. À partir de là, tout est dit et le réalisateur déclinera les caractéristiques d'Assaut tout au long de sa carrière, ne s'en éloignant que rarement (Starman ou L'antre de la Folie par exemple). La violence du film n'est présente que dans quelques scènes (le meurtre du glacier puis de la fillette, très graphique, le mitraillage du commissariat, l'assaut final) mais leur force rejaillit sur tout le métrage laissant une impression de violence. Une idée que Cameron saura reprendre à son compte. Tout au long de sa carrière, Carpenter saura faire exploser son film au bon moment. Halloween ne contient que 3 meurtres devant la caméra. Et pourtant, on jurerait que le film est hyper sanglant. Impossible de ne pas y penser en voyant qu'Alien adopte une structure similaire, faite de longues expositions ponctuées par de violentes poussées sanglantes. Même The Thing ne contient pas tant que cela de scènes chocs. Mais elles sont situées à des moments clés et surprennent le spectateur.

Assaut est la matrice de Carpenter car tous ses thèmes y sont : amitié forgée dans le drame, refus d'un happy end trop évident (Fog, The Thing, Invasion Los Angeles), utilisation de l'anti-héros (Snake, incarnation ultime et reflet dans l'ombre de l'âme de Carpenter mais aussi  James Wood dans Vampires) , relation love/hate avec l'Amérique. Carpenter ne peut s'empécher de critiquer son pays, mais en même temps , on sait qu'il l'adore et qu'il ne pourrait vivre ailleurs. Il se définit d'ailleurs comme un capitaliste. Carpenter aime les USA, mais désapprouve leur politique. Réalisateur engagé, Assaut est pourtant un film de droite : l'ordre reste à la loi et les jeunes sont montrés comme des êtres dangereux. Tous les héros ont plus de 30 ou 40 ans. 25 ans plus tard, Carpenter fera le remake d’Assaut avec Ghosts of Mars et force est de noter que la donne n'a pas vraiment changé. Les héros sont du côté de la loi (même si Carpenter la critique nettement plus alors que l'on sentait le respect du policeman dans Assaut) et les ennemis sont grimés et piercés comme des jeunes gens. Entre les deux, le cinéaste aura été plus du côté de l'opposition, mais on ne peut pas vraiment parler de gauchisme comme certains journalistes l'ont fait. Carpenter est à la fois démocrate et républicain. Même un film très frondeur comme Vampire décrit une milice qui croit fermement en dieu. Et Vampire se termine par un jeune prêtre qui dit, en montrant son crucifix "Il ne nous a jamais quitté". À cela, James Wood répond en souriant "si tu le dis, Padre". Plus de cynisme dans sa voix (James Wood est, par ailleurs, un pilier du parti Républicain et un fervent partisan de la peine de mort).

On a donc bien, avec Assaut, le Carpenter conservateur qui s'oppose au Carpenter anar de NY 97, Invasion LA ou LA 2013. Et c'est une excellente chose de voir qu'un homme de conviction évolue, se renie, revient en arrière, repart au combat...

Mais Assaut est aussi un film profondément classique. Il ne révolutionne pas le cinéma par sa forme. Il n'est pas fondateur d'autre chose que Carpenter (ce qui n'est déjà pas si mal). Le cinéaste a appris le cinéma à l'école, il a appliqué des exercices, fait ses gammes... De même qu'une initiation au piano classique laisse des traces chez un musicien, un apprentissage du cinéma dans un cadre strict ne permet pas forcément la révolution. D'autres étudiants en cinéma comme Lucas ou Spielberg se sont efforcés de garder l'essence d'un cinéma classique, d'un cadrage normal, d'un montage logique. En 1976, le cinéma n'est pas encore investi par des gens issus de la pub ou du clip. Ce sont les Scott, les Bay, les Bruckeimer qui vont modifier la donne, pour le meilleur mais aussi pour le pire. Carpenter, lui, se fout de la mode. Il sait qu'il n'y a qu'un angle de vue : le bon ! Il va même jusqu'à refuser de filmer sous plusieurs angles, afin de ne pas se couvrir et d'obliger le montage à rester ce qu'il avait en tête dès le début.

Assaut donne ainsi l'illusion d'avoir été tourné par John Ford ou Howard Hawks. Remplacez le policeman par John Wayne et le commissariat par le bureau du Shérif et vous obtenez Rio Bravo. Assaut n'est pas une révolution esthétique, la caméra n'est pas montée sur ressort, la pop music n'inonde pas le métrage, aucun filtre sur les caméras. Assaut reste classique dans sa forme et cela le rend indémodable.

Mais pas sur le fond. Carpenter reprend l'idée du film urbain, présent dans le cinéma US depuis les années 40 mais revenu en force depuis le début des 70's. Les Dirty Harry, les Flic Ricanant, les Chinatown, les French Connection et autres sont à la base d'Assaut. Mais Carpenter va innover en y plongeant directement les règles du western et plus celle du polar. En clair, il prend un cadre ultra-connu, mais le déguise en polar. Le résultat est alors une détonation, un film tellement en avance sur son temps que le public le ne comprend pas. Il faudra des années pour qu'il soit reconnu à sa juste valeur. Et des années durant, il restera invisible, lointain souvenir d'une vision en VHS. Assaut ne passe jamais à la télé, n'a jamais été édité en LD Pal, et même son double DVD est un peu décevant (recadrage). Pire, le film a été tronqué en France depuis 1976 : le pacte de sang et le meurtre frontal de la gamine qui voit son cornet de glace se répandre sur sa poitrine tandis que son sang jaillit vers le spectateur. Une scène choc comme Carpenter les aime : déstabilisante, glaciale et ... efficace.

Aujourd’hui, le double DVD malgré ce recadrage (pas énorme) contient enfin la version non censurée. Et les suppléments sont intéressants. À l’heure où son remake, très orienté action, réalisé par un français, n'arrive pas à s'imposer outre-Atlantique, il est temps de redécouvrir l'oeuvre fondatrice d'un cinéaste.

Le double DVD contient le film (légèrement recadré) en VOST et VF. C'est bien sûr la VOST qu'il faut choisir. Le film est présenté en version intégrale. Le deuxième disque contient une excellente interview de Christophe Gans, un excellent entretien avec Carpenter, et, surprise, une émission de télé française consacré à John Carpenter. Sa carrière y est survolée, peut être un peu vite, mais c'est une bonne introduction au cinéaste. Cerise sur le gâteau, ce double DVD est à 9,99. En attendant une nouvelle édition pour la sortie vidéo du remake, voilà une bonne occasion de (re) découvrir ce classique.
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commentaires

D
J'ignorais ce détail sur la bande son.
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C
Très bonne analyse ! Un mot sur la musique : Carpenter a <br /> repris je crois un thème de Lalo Schifrin et en a donné une variation minimaliste et électronique assez étonnante...<br /> Le remake, qui m'avait déçu à la première vision, est en fait une vraie leçon de mise en scène...
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S
Et son remake signé (je crois) Richet et tout aussi excellent.
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C
Superbe film d'action, pour moi le meilleur de Carpenter avec The Thing et L'antre de la folie.
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La côte

***** Chef d'oeuvre !!

**** Très bon, allez y vite !!

*** 1/2 * Entre le bon et très bon, quoi...

*** Un bon film

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