Le pitch : l’évocation des années de guerre du Colonel T.Lawrence, et de sa lutte aux côtés des arabes pour se libérer du joug des Turcs.
La récente sortie du Blu-Ray de Lawrence d’Arabie est l’occasion idéale de parler de ce très grand film, sans doute l’un des plus beaux jamais tournés et dont la musique intemporelle de Maurice Jarre continue de hanter la mémoire des cinéphiles.
Disons le tout de suite, ma chronique se fait à partir de la récente vision du DVD paru en 2002, une édition 3 disques (le 3e disque était vendu avec le magazine DVDvision) jugée magnifique à l’époque, mais sans doute dépassée par l’édition Blu-Ray. Il est vrai que la nouvelle édition propose une VF complète et non une VF à trou pour le DVD. Dans cette dernière, les passages « inédits » n’étaient pas traduits et la VOST prenait alors le relais. Mais comme je ne regarde ces grands classiques qu’en VO, cela ne me gênait absolument pas. Quant aux bonus, la plupart sont repris de l’ancienne édition, même si l’un d’entre eux, le parcours de Lawrence, est désormais intégré au film sous forme de piste interactive d’après ce que j’ai lu.
50 ans après sa sortie, que reste-il de Lawrence d’Arabie ? Fait-il partie de ces classiques que l’on n’ose pas regarder de peur d’être déçu ? Ou bien s’est-il bonifié avec le temps ?
La deuxième réponse est la bonne. J’ai eu la chance de découvrir, enfant, ce film dans un cinéma de quartier qui projetait souvent les grands classiques. David Lean n’y échappait pas et j’ai pu voir également Le pont de la Rivière Kwaï. Le choc éprouvé par la vision de Lawrence d’Arabie sur un grand écran fut certes tempéré par la longueur du film. Mais certaines images me sont restées en mémoire des années durant. Et j’ai toujours le même frisson quand le colonel Lawrence surgit du désert avec le malheureux Gassim sur son dos ou bien quand le souffle sur une allumette provoque l’arrivée du soleil en plein désert.
Oui, Lawrence d’Arabie reste un grand film. Pas pour ces scènes d’actions, filmées en plan large et de très loin (la prise d’Aqaba par exemple) mais bien pour ces extraordinaires plans où les hommes marchent dans le désert. La beauté minérale qui s’en dégage donne l’impression que nous sommes sur une autre planète. David Lean a filmé son histoire comme s’il filmait un documentaire en Imax ! Le but est clairement d’en mettre plein la vue aux spectateurs, à une époque où la télévision commençait à concurrencer sérieusement le cinéma. De ce point de vue-là, le film est une vraie réussite.
Mais de belles images ne font pas un grand film. C’est surtout dans la psychologie de ses personnages que Lean fait plonger son spectateur. Son casting quatre étoile (Alec Guiness, Anthony Quinn, Omar Sharif et un débutant aux yeux d’un bleu incroyable, Peter O’Toole) lui donne de toute façon toute latitude pour le faire. Car c’est bel et bien la plongée dans l’obsession d’un homme et son amour de la liberté qui guide le film, et ce dès l’ouverture tragique où Lawrence trouve la mort sur une petite route de campagne. Nous ne sommes pas dans un film de guerre, malgré des scènes très spectaculaires, mais bien dans la transformation d’un soldat qui va découvrir que pour aller au bout de son rêve, la liberté pour l’Arabie, il devra passer sous les fourches caudines de la violence (le massacre de la garnison turque dans le désert), de la trahison (quand il comprend que son commandement n’a jamais cherché l’indépendance de l’Arabie) et de la haine. C’est cet univers-là qui guide David Lean. C’est ce film qui se déroule sous nos yeux ! Car, on le sait, les champs de bataille les plus terribles sont ceux qui se déroulent à l’intérieur des âmes !
Allant jusqu’au bout de sa logique, Lawrence va donc tout sacrifier à son rêve. Il abandonnera presque son statut d’Anglais pour épouser la cause du désert, comme le montre la scène où les bédouins lui offrent un habit traditionnel qu’il portera désormais, y compris dans le quartier général anglais. Et si sa déception est palpable quand il verra que les Arabes ne parviennent pas à s’entendre après leur victoire et qu’ils échangent la domination turque pour un protectorat anglais, il ira au bout de son idée, malgré la violence qu’elle engendre. Le vrai Lawrence était ainsi, le film lui rend totalement hommage.
Qui dit grand spectacle dit grandes scènes. En utilisant des milliers de figurants, en recréant les immenses camps bédouins, David Lean va au-delà de l’esbroufe ! Pour lui, rendre hommage à une époque, c’est la reconstituer fidèlement, qu’importe le coût. Lean aurait vécu dans nos années 90-2000, il se serait servi du numérique pour magnifier ses images, mais, tout comme un Ridley Scott ou un Christopher Nolan, il n’aurait pas abandonné ses décors, ses figurants, ses paysages réels !!
50 ans après , Lawrence d’Arabie reste donc un très grand film, sans doute le plus grand de son auteur. Et sans aucun doute l’un des plus grands jamais tournés. Quelque part aux côtés de Titanic ou de La revanche des Sith, dans nos panthéons personnels, vit un homme qui, amoureux du désert, décida d’en libérer ceux qu’ils considéraient comme ses frères