Le pitch : après une absence de dix ans, due à la IIIe croisade et à sa captivité en Europe centrale, Richard Coeur de Lion rentre chez lui. Mais sa mort devant une forteresse française va entraîner une crise dynastique en Angleterre. C'est à alors qu'entre dans l'histoire un archer, un certain Robin.
Ridley Scott est sans aucun doute l'un des plus grands cinéastes actuels, avec Cameron et Spielberg. Artisan ayant forgé lui même sa propre légende avec une flopée de chef d'oeuvre comme Duellistes, Alien, Blade Runner, Legend, Gladiator, Thelma et Louise ou Kingdom of Heaven pour ne citer qu'eux, le lion anglais, grand amateur de cigare, prouve qu'à plus de 70 ans, il n'a absolument rien perdu de sa maîtrise technique et aborde les années 2010 avec un autre diamant de sa prodigieuse filmographie.
Robin des Bois reprend, en quelque sorte, les évènements de Kingdom of Heaven dont les dernières images montraient le roi Richard d'Angleterre interrogeant Balian sur la route de la Terre Sainte. 10 ans plus tard, la croisade a été un semi échec (Philippe Auguste a abandonné Richard après la prise d'Acre, Richard a négocié une trêve précaire avec Saladin et un droit de passage des chrétiens à Jérusalem , l'empereur Barberousse s'est sottement noyé, provoquant la débandade de son armée) et Coeur de Lion rentre alors en Angleterre, en cherchant à se venger de son ex-allié, Philippe Auguste roi de France. C'est là qu'il trouvera la mort.
Le film commence donc avec la mort d'un grand roi, courageux et fanatique à la fois (Robin évoquera le massacre de la garnison d'Acre, fait historique avéré qui, s'il cadre avec la mentalité de l'époque, ne grandit pas Richard) puis glisse vers Robin, simple archer qui cherche à regagner l'Angleterre avec ses compagnons d'armes. Le destin lui offrira la chance de revenir dans son pays en usurpant l'identité d'un des confidents du roi.
Qu'on se le dise, jamais, à part peut être La chair et le sang de Veroheven , l'époque médiévale n'a jamais été aussi réaliste au cinéma. C'est le premier point fort du film, un point déjà mis en place dans Kingdom of Heaven pour la partie se déroulant en France. Scott est un perfectionniste qui, s'il est capable de "violer" l'histoire pour lui faire de beaux enfants (à l'instar d'Alexandre Dumas), n'entend pas transiger sur la vision d'un monde disparu. L'argent et les 200 millions de dollars de budget sont à l'écran !! Sous nos yeux, un monde revit, un monde que commence juste à toucher la révolution du gothique, un monde où les techniques agricoles ne sont pas encore celles du XIIIe siècle, un monde où la dureté de la vie n'a d'égale que sa volonté farouche d'en jouir des moindres instants.
Mais au delà de la reconstitution fastueuse, c'est, comme toujours chez Scott, l'histoire qui prime. Gladiator ne racontait pas que la vengeance d'un général, c'était surtout la volonté de montrer que l'homme injustement accusé peut, de tous temps, remonter la pente du destin et se hisser au dessus du reste de l'humanité. Ici, nul compagnon en collant vert mais une réflexion poussée sur la liberté, sur la royauté juste et celle injuste, sur ce qui pousse les hommes à s'entretuer et sur la quête du pouvoir que cherchent désespérément un nombre croissant de vaniteux. Robin, héros malgré lui, porte en fait les germes de la noblesse d'âme : amour de la liberté, refus de l'injustice, volonté de défendre son pays contre ses agresseurs externes et internes !! Robin est un vrai patriote, pas un nationaliste, un homme qui aime sincèrement son pays et se refuse à le voir sombrer dans l'anarchie, la tyrannie ou la coupe de l'ennemi français !
Il fallait donc pour incarner cet homme exceptionnel un acteur exceptionnel. Scott renoue donc avec Russel Crowe pour la 4e fois (et non 3 comme l'annonce stupidement le mensuel gratuit des cinémas UGC sous la plume de Bernard Achour - faut vérifier vos sources !!) et lui offre à nouveau un rôle splendide, dans la lignée du Maximus qui fit sa gloire. Charismatique au possible, capable d'incarner la bravoure, la noblesse, la férocité, l'engagement, Crowe offre au monde entier une composition exceptionnelle et si Cannes avait deux sous de bon sens, elle l'aurait récompensé plutôt que de faire plaisir en projetant le film Hors Compétition.
Mais Crowe ne serait rien sans son pendant féminin, la sublime Cate Blanchett qui incarne ici une Lady Marianne tout aussi éprise de liberté que Robin. Marianne est littéralement celle qui fera venir Robin dans la lutte contre l'injustice, une lutte qu'elle a commencé elle même lors de l'absence de son mari. Scott tord d'ailleurs le cou à un préjugé tenace sur le Moyen Age : non la femme médiévale ne passait pas son temps à filer la laine en attendant le retour du chevalier, elle était une composante essentielle de la vie sociale et ce rôle lui sera retiré, pour 5 siècles, lors de la "renaissance" !!
Le script prend un malin plaisir à revisiter les personnages légendaires de notre enfance :Petit Jean, Frère Tuck et tous les compagnons de Robin sont bel et bien présents, même s'ils ne sont pas encore des hors-la-loi. Mention spéciale à Scott Grimes, l'un des médecins d'Urgence, qui incarne ici un gallois roux et barbu, amateur de femmes et prêt à suivre Robin jusque dans la tombe.
On a pu reprocher au film de manquer de scènes d'action. Il est vrai que si on enlève le débarquement français et l'attaque du village de Nottingham , Robin des Bois se passe surtout dans la tête de ses personnages. Mais est-ce un mal ? En refusant la surenchère, en plaçant la politique au premier plan, en film la naissance d'un amour entre Robin et Marianne, Scott fait ce qu'il sait faire de mieux : placer l'homme en première ligne et tisser une trame sur fond d'images léchées, de cadrages spectaculaires et de reconstitutions fastueuses. Comme à son habitude, l'éclairage est à tomber, la mise en scène est digne de n'importe quelle école de cinéma. Artisan , il le reste jusqu'au bout de son métrage, y compris dans un générique de fin à la fois brutal et graphique, innovant et old school !!
On l'aura compris : Robin des Bois est un pur chef d'oeuvre et prouve que Scott entre définitivement au Panthéon des plus grands artistes de tous les temps !!