Le pitch : venus enquêter sur la disparition d’une patiente internée dans un hôpital psychiatrique, deux policiers vont se trouver prisonniers de l’île sur lequel se trouve l’établissement et de la folie qui l’entoure.
Shutter Island est un film particulier. J’ai d’abord cru à un film noir, un thriller même aux vues de sa bande-annonce. Puis, Frédéric (Salles Obscure 2) m’a corrigé sur ce point. Du coup, j’étais un peu partagé à l’idée d’aller le voir. Mais ma fille aînée qui a lu le roman éponyme m’a convaincu de l’emmener le découvrir. Elle a bien fait.
Poisseux, glauque, étrange, effrayant même, Shutter Island est une sorte de sommet dans la carrière de Martin Scorsese, un réalisateur qui ne cesse de nous étonner depuis qu’il a rencontré son nouveau De Niro, à savoir Léonardo di Caprio avec qui il a déjà tourné 4 films.
Ici, la star de Titanic montre une fois de plus l’étendue de son talent, même si son age ne le rend pas crédible sur 100% des séquences, en portant le film de A à Z. Tout passe par lui, par son regard, ses sautes d’humeurs, ses rêves, ses fantasmes, ses obsessions. Rarement, un film à tiroir a été aussi loin dans l’âme de ses protagonistes. Scorsese ne se contente pas de suggérer, il montre tout en laissant le spectateur dans l’expectative, le doute voire la colère.
Le récit démarre de manière tellement classique que l’on jugerait que le réalisateur veut rendre hommage aux films noirs de sa jeunesse. Mais très vite, l’enquête dérape, la folie latente émerge au grand jour et ce que l’on aurait pu prendre pour Un vol au dessus d’un nid de coucou policier devient un film d’épouvante racé et brutal. Le spectateur est alors malmené au gré de l’enquête et de la tempête qui fait rage. Plus celle-ci est brutale, et plus Di Caprio s’enfonce dans les ténèbres. Et lorsque, enfin, les éléments deviennent plus clément, son personnage n’en bénéficie pas pour autant. Il devient de plus en plus prisonnier de sa névrose et de son désir de savoir la vérité. Mais celle-ci, il la connaissait déjà et l’avait enfouie afin de protéger un psychisme bien fragile.
La mise en scène est à l’image du psychisme morcelé du héros : certains plans tournés en contre-plongée donne carrément le vertige, d’autres prennent de la hauteur, mais jamais ils ne permettent au spectateur de respirer. Même en plein air, les personnages sont enfermés, coincés sur l’île et le spectateur avec. La fin, incroyablement ouverte, ne fait que confirmer cette manipulation diabolique. Et quand le script enferme ses personnages dans la partie la plus sinistre de l’hôpital, on plonge en pleine horreur baroque que seule la lueur des allumettes de Di Caprio éclaire un peu. La nuit a définitivement pris le pas et le héros risque à tout moment de basculer dans la folie.
Shutter Island s’explique difficilement, il ne se raconte pas non plus, mais il se vit comme une expérience extraordinaire.
Sans doute le premier vrai choc de 2010, un film que l’on prendra plaisir (?) à revoir en vidéo, ne serait que, comme tout film à révélation, une nouvelle vision changera totalement notre approche de l’histoire.