Le pitch : Depuis 8 ans, la paix règne à Gotham. Harvey Dent a été présenté comme un héros et les criminels les plus endurcis sont emprisonnés sans jugement. Batman a endossé tous les crimes de Dent et Bruce Wayne vit désormais cloîtré dans son manoir, son corps étant brisé par les combats, son âme dévastée par la perte de sa fiancée. Mais l’apparition du nouveau chef de la ligue des ombres, Bane, va l’obliger à refaire surface !
Cette année a été riche en film super-héroïque ! Après le carton absolu d’Avengers au printemps, boosté par la 3D et par la popularité de ces protagonistes, c’est donc au tour de Batman de revenir enchanter les foules de la planète.
Mais à la différence d’Avengers, formidable film pop-corn, The Dark Knight Rises ajoute une profondeur inégalée dans un film de super héros, une profondeur qui permet à la trilogie de Christopher Nolan de se terminer en beauté et de le classer comme le meilleur film sorti cette année.
Depuis que Nolan préside à la destinée du Caped Crusader, sa vision par le public a radicalement changé. Les deux films de Schumacher étaient revenus aux sources colorées des premiers comics, mais leur aspect Too much avait quelque peu refroidi les ardeurs des spectateurs. Et quand en 2005, Batman Begins apparut sur les écrans, le changement fut radical d’avec les 4 premiers films. Nolan n’avait qu’un concept en tête : réalisme !!
Son Batman s’inspirait bien plus volontiers du travail de Frank Miller que de celui de Bob Kane et plongeait le spectateur dans un océan de noirceur, bouleversait ses habitudes en modifiant la jeunesse du héros (l’entraînement par Ras’al Gud) et surtout refusait les conventions classiques de l’adaptation d’un comics au cinéma.Le duo Wayne/Batman n’aurait pas le côté schizophrène de Burton ni le glamour de Schumacher, mais une face inédite, celle d’un justicier décidé à combattre le mal coûte que coûte, quitte à y perdre son âme…
Dark Knight continuait ce travail de sape du mythe tout en l’amenant à un niveau supérieur, notamment grâce à un vilain génial, le Joker !! Batman passait de l’autre côté de miroir et acceptait d’endosser les crimes d’Harvey Dent, afin que Gotham puisse enfin se nettoyer de la noirceur qui la hantait. Ce faisant, Wayne abandonnait son rôle de protecteur et laissait le mensonge se répandre, même si les intentions étaient les meilleures du monde. Ce faisant, il se coupait de sa mission originelle, même si l’éradication du crime pouvait lui penser qu’il avait fait le bon choix.
Tout comme la conception de The Prestige avait permis à Nolan de se détacher de Batman avant Dark Knight, Inception lui a permis de reprendre également son souffle et de penser à la clôture d’un travail entamé il y a près de 10 ans. A l’heure où les studios se dépêchent de finaliser leur séquelle pour capitaliser sur le succès, la démarche de Nolan se rapproche plus de celle de Lucas, à savoir ne pas se laisser piéger par le temps court, mais privilégier le long.
D’Inception, Nolan a gardé Marion Cottillard (que j’ai trouvée excellente dans son rôle) et Joseph Gordon-Levitt (dont la scène finale laisse présager que la Warner n’a pas forcément envie de tout reprendre à zéro). Il a aussi gardé la notion de temps long. The Dark Knight Rises prend son temps pour raconter une histoire et le film se déroule sur plusieurs mois, concept de plus en plus rare de nos jours dans un film d’action.
Mais surtout, Nolan a tenu de refaire de Batman un héros. Pour mieux montrer sa grandeur, il le brise. Moralement car au début du film, 8 ans après la mort de son unique amour, Wayne vit reclus. Physiquement, car les combats endurés ont sérieusement endommagé son corps. Enfin, il lui fait perdre sa fortune et même sa confiance, sérieusement ébranlée par une voleuse de haut vol, Selena Kyle (qui ne sera jamais appelé Catwoman – sublime Anne Hattaway). Bref, dans le premier tiers du film Wayne n’est plus que l’ombre de lui-même, et Batman un paria rejeté par tous, sauf par le commissaire Gordon qui est également le seul à connaître la vérité avec Bruce !
Parallèlement, Nolan met dans les pattes de Batman un nouvel ennemi, Bane. Et il est son exact opposé. Dénué de scrupules, menant d’une main de fer une armée qui lui obéit aveuglément et surtout dans une forme physique éblouissante, Bane est définitivement le méchant ultime. Nolan l’ancre dans la réalité et en fait un communiste extrémiste. Il est véritablement le double maléfique de Batman et sa haine de Gotham n’a d’égal que la volonté du Caped Crusader de la protéger. Tom Hardy (également dans Inception) incarne ici un homme sans foi ni loi, sans faille et sans pitié, défiguré pour la seule bonne action qu’il mena plus jeune. La réussite de son personnage participe à la réussite du film car Batman a un adversaire physiquement à sa hauteur, là où le Joker le défait surtout par son intelligence !
L’extraordinaire mise en place du film permet à The Dark Knigth Rises de mettre le spectateur en condition. Petit à petit, le plan de Bane se met en place, Gotham s’embrase et Batman est à nouveau brisé. Sa renaissance n’a duré que le temps d’une poursuite avant que Bane ne le batte sèchement et l’envoie en enfer assister à la mort de Gotham. Tout est dit au deux tiers du film : Nolan refuse de faire de Batman un sauveur et il lui faut de nouveau passer par l’épreuve avant de redevenir un héros ! C’est là tout le génie d’une histoire qui refuse le manichéisme. Car si les plans de Bane sont d’un nihilisme total, ils sont aussi d’une logique implacable. Bane ne fait que reprendre le travail de son mentor Ras al’Gud. Il veut détruire Gotham au nom d’une égalité factice, mais c’est , paradoxalement, grâce à lui que le citoyen comprendra qu’on l’a trompé sur la nature de Batman. Bane dans sa quête de pureté idéologique met la vérité à la portée de tous, mais creuse sa propre tombe.
The Dark Knight Rises est un film si dense que le raconter en devient quasi impossible. Tout comme Inception, il s’adresse à l’intelligence du spectateur, mais ne refuse pas le côté spectaculaire. La mise en quarantaine de Gotham et la prise de pouvoir de Bane font assurément partie des scènes les plus incroyables de la saga ! Doté d’un budget énorme, Nolan met un point d’honneur à le mettre à l’écran et ne se refuse aucune vision d’apocalypse. Mais rien n’est gratuit. Et ce qui aurait pu devenir une simple orgie de destruction participe pleinement à la dramaturgie. Le réalisme reste le mot d’ordre, ce qui peut paraître surprenant quand on parle de Batman, mais en poussant un peu, tout pourrait être réel. Après tout qu’est ce qui empêche un quidam de se créer un costume en kevlar pour aller combattre le crime. ?
Mais si Nolan prend un plaisir pervers à malmener son héros, il ne casse pas son jouet. A cet égard, la fin de The Dark Knight Rises est bien moins pessimiste que celle de Dark Knight et laisse augurer un avenir plus radieux pour Gotham, un avenir qui ne sera plus basé sur le mensonge (quoique) mais sur le souvenir.
Christopher Nolan signe ici l’un des plus grands films de super héros (le meilleur ?) et, plus simplement, l’un des meilleurs films tout court !!