Le pitch : l'arrivée d'un bateau abandonné à New York va entraîner un reporter et la fille du propriétaire du navire dans un cauchemar sans non sur une petite île des Caraïbes où une étrange malédiction fait se relever les morts.
Les années 70 ont vu l'émergence d'un nouveau type de film d'épouvante, bien plus sanglant et misant sur une atmosphère poisseuse, à la limite du supportable voire très engagée politiquement.
Le point d'orgue fut évidement Dawn of the Dead, exploité chez nous sous le titre Zombie, de Georges Romero. Et ce coup de maître qui alliait une critique féroce de la société de consommation, une description quasi clinique de la fin du monde et des moments dignes des comédies les plus folles (la fameuse scène de la tarte à la crème dans le centre commercial) a forcément lancé une horde d'imitateurs .
Lucio Fulci fut sans doute le plus zélé des réalisateurs qui se sont inspirés de Romero. Et son Enfer des zombies, exploités sous le titre de Zombie 2 Italie (alors qu'il est censé en être une prédelle) est un "merveilleux" exemple de ce qu'il pouvait faire quand on ne lui laissait aucune limite et aucune censure.
Tourné à New York et dans les Caraïbes en langue italienne avec un casting anglo-saxon dont la soeur de Mia Farrow, L'enfer des Zombies ne s'embarrasse pas d'une histoire complexe. Le prétexte pour envoyer nos héros sur l'île maudite est assez mince et l'explication de la résurrection des morts est à la fois alambiquée (le vaudou y est cité) et quasiment absente. Mais là n'est pas l'important.
En perte de vitesse dans sa carrière, Lucio Fulci avait besoin d'un succès pour se relancer. Et comme souvent en Italie, quoi de mieux que de s'inspirer de ce qui marche à l'étranger. Si les années 80 ont vu des ersatz de Mad Max transpalpins déferler sur les écrans, en cette fin 70, ce sont les zombies qui ont la côte.
Mais comme Fulci n'est pas un pitre, mais un professionnel chevronné, ce qui se remarque à la nouvelle vision de ce film, invisible depuis des décennies, sauf pour ceux qui l'avaient découvert en VHS (c'est mon cas), c'est la façon dont il est filmé, cadré et éclairé. Rien à voir avec des bandes filmées à la va vite, mais au contraire, une impression de professionnalisme sans faille. Alors bien sûr, vous ne trouverez pas de caméras sur trapèze ou des scènes composites mélangeant CGI, fond vert et acteurs réels, mais un solide travail d'artisan, magnifié par des maquillages gores exceptionnels qui valu au film une nomination aux Saturn Awards. C'est du solide, c'est kraspec à souhait et l'amateur éclairé ne pourra que se réjouir de cette déferlante de violence dans sa dernière partie.
L'enfer des zombies reprend les codes du chef d'oeuvre de Roméro. Les morts vivants sont lents, marchent sans but apparent, leur point faible reste la tête et les humains leur nourriture favorite. Chaque infecté s'il n'est pas dévoré rejoint quelques heures plus tard la horde sanglante dont l'intelligence n'est pas l'apanage premier.
Mais à la différence de Roméro, qui voyait dans ses films une critique cinglante de l'Amérique (les zombies renvoient clairement à tous les exclus des USA en cette décennie : SDF, immigrés clandestins, minorités...), Fulci préfère un autre terrain : celui de l'horreur pure et dure. Cela commence par une agression brutale sur un bateau au large de New York, puis une scène délirante où un zombie dévore un requin avant de s'achever dans un cimetière où les morts émergent lentement du sable avant de lancer sur les deux couples coupables de s'être arrêté se reposer un instant. La musique synthétique (très datée, mais on s'en tape) se marie de manière intense avec le rythme lancinant de la scène, s'arrêtant au moment où l'un des morts arrache la gorge d'une des héroïnes, avec moult jets de sang !
Avant cela, nous avons eu droit à la scène la plus atroce du film avec cette femme lentement forcée à voir une écharde s'enfoncer dans son oeil ! Lucio Fulci ne cache rien et ces scènes franchement gerbantes vaudront au film de féroces coups de ciseaux de la censure dans plusieurs pays.
Cependant, le réalisateur italien ne peut pas éviter quelques scènes purement gratuites ! Ainsi, l'une des deux héroïnes a-t-elle vraiment besoin de faire de la plongée seins nus ? Et la femme qui va se prendre une écharde dans l'oeil a eu le temps de prendre une douche qui ne laisse rien cacher de son anatomie. Mais bon, on est dans les seventies...
Ce bémol mis à part, L'enfer des zombies reste conforme à mon souvenir : un film d'horreur bien déviant, flippant, sans concession et tellement ancré dans son époque que l'on comprend immédiatement pourquoi il est devenu culte ! La scène finale qui voit les morts marcher sur le pont de Brooklyn fait donc le lien avec le Zombie de Romero !
Cerise sur le gâteau, la copie Blu-ray est superbe, le livre qui l'accompagne fascinant et le digipack franchement beau ! On espère que les autres films du Maestro, à savoir Frayeurs et L'au-delà, tout aussi géniaux bénéficieront du même traitement !