Alors que Le bon gros géant n'a pas passionné les foules aux USA (55 millions de recettes) et n'a pas fait trop d'étincelles non plus dans le reste du monde (120 millions supplémentaires), il est intéressant de regarder la carrière de Steven Spielberg et de ses 30 films en plus de 40 ans.
Mais un tel monument ne pouvait se satisfaire que d'un seul article. D'où une division en plusieurs. Ce premier va s'intéresser à son BO US de ses début à La liste de Schindler.
Il est courant de dire que Spielberg a inventé le blockbusters d'été. Il est vrai que Les dents de la mer fut le premier film sorti durant cette période a connaitre un succès aussi phénoménal et a convaincre les studios qu'un long métrage pouvait attirer les foules durant une saison jugée creuse. Depuis la sortie de Jaws, les métrages qui ont le plus de succès aux USA sont quasiment tout le temps ceux qui sortent entre la mi-mai et la mi juillet.
De 1975 à 1994, Steven Spielberg a tourné 14 films. 8 ont dépassé la barre des 100 millions en première exclusivité, 2 s'en sont approchés, étant entendu que la plus large combinaison (Jurassic Park) fut de 2404 cinémas. Si l'on regarde la première décennies du cinéaste , de Sugarland Express à Indiana Jones et le temple maudit, il voit 5 de ses 8 films passer la barre de 100. Et encore parmi ses 8, on compte La quatrième dimension où il n'a réalisé qu'un segment sur 4.
Si il a commencé timidement avec les 7,5 millions de Sugarland Express, il a ensuite enchaîné Jaws et Rencontre du 3e type ! 260 et 132 millions de recettes pour des projets sacrément casse gueule ! Tout a été dit sur la difficulté du tournage de Jaws, mais Rencontre ne fut pas simple non plus. Seul scénario écrit par le cinéaste, il tranchait avec la SF de l'époque (Star Wars n'était pas encore sur les écrans) par sa volonté de raconter sérieusement une histoire de rencontres extra-terrestres. Ce qui n'était pas trop dans l'air du temps. Qui plus est, Spielberg impose Truffaut pour qui il a une admiration sans borne, mais qui n'est pas vraiment un gage de box office absolu. Richard Dreyfussn heureusement, apporte le côté bankable de l'affaire. Au final, Rencontres sera un énorme succès, pas aussi important que Jaws, mais n'oublions pas que le film sort en automne, le 16 novembre. C'est sans aucun doute l'un des films préférés du cinéaste puisqu'il est revenu plusieurs fois sur son montage. Les 3 versions du film ont d'ailleurs fait l'objet d'une très beau coffret DVD il y a une dizaine d'année.
Après avoir connu le succès, il se prend quelque peu les pieds dans le tapis avec 1941, une comédie loufoque, brillante, mise en scène avec une virtuosité certaine et même un côté tape à l'oeil qui détonne dans sa filmographie. Mais, comme pour le punir d'avoir pêché par orgueil, le public rejette le film qui ne rapport que 31 millions de dollars aux USA. Paradoxalement, il double ses recettes dans le reste du monde, comme si l'Europe était plus réceptive à cette humour très visuel et à ce cassage en règle des films de guerre.
Il lui faut rebondir. Mais il va prendre son temps : 2 ans s'écoulent avant la sortie des Aventuriers du temple maudit. Revenu à un peu plus de retenue, le premier volet des aventures d'Indy est un succès énorme, 248,1 millions de dollars. Curieusement, et contrairement à la légende, il n'en rapporte que 141 dans le reste du monde. Mais qu'importe, Spielberg a relancé sa carrière. D'autant plus qu'il double la mise un an plus tard avec ET. Produit pour 10 millions de dollars, ovationné à Cannes, la première exclusivité du film rapporte plus de 400 millions de dollars. Et 350 sur le reste de la planète. Rarement un film aura eu un tel impact sur le cinéma et sur la carrière d'un homme. Plus de 34 ans après sa sortie, ET reste un sommet dans la vie de Spielberg et une date dans l'histoire du cinéma tout court. Peut être parce que, malgré des demandes incessantes, le cinéaste n'a jamais cédé aux sirènes d'une suite, même s'il a été très tenté, parait-t-il, de reprendre l'histoire 20 ans plus tard avec un Henry Thomas devenu adulte qui aurait retrouvé son ami alien. Mais franchement, aurait-on retrouvé la magie.
L'épisode de la 4e dimension passé (29 millions de recettes seulement), il retrouve le fouet d'Indy pour la première séquelle de sa carrière. Le temple maudit fera moins bien (179 millions) aux USA et un peu plus (153) dans le reste du monde. Le classement R, la scène du coeur arraché ont clairement quelque peu éloigné le public familial. Ironiquement, Le monde perdu suivra exactement le même chemin 13 ans plus tard.
De 1985 à 1994, Spielberg tourne 7 films et il va quelque peu abandonné les thèmes de l'enfance et du fantastique.
Sa fresque La couleur pourpre, sans doute l'un de ses films les plus sous-estimés, rapporte 98 millions de dollars. La critique a été dure envers le film et la communauté noire a reproché au cinéaste d'enjoliver une situation guère reluisante. Ces critiques ont touché le cinéaste qui, au contraire, a voulu rendre hommage au peuple noir en le présentant comme une communauté libre et pouvant vivre sa propre vie. Les thèmes abordés comme l'homosexualité féminine restent des ovnis dans sa filmographie. D'ailleurs, il aborde très rarement le sexe dans ses films. Il n'empêche. Ceux qui ont reproché le côté "mignon" (sans jeu de mot) et sa volonté d'humaniser même le pire salaud du film, Monsieur, joué par un Danny Glover au sommet, n'ont pas compris que Spielberg voulait surtout raconter un pan de l'histoire américaine. Cette obsession pour l'histoire, pour la reconstitution d'époque l'accompagne depuis 1941 d'ailleurs. Elle l'a suivie dans les Indy puis sera le fil rouge de quasiment tous ces films jusqu'à nos jours.
Si La couleur pourpre remporte un succès important, cela ne sera pas le cas d'Empire du Soleil. Cette vision inédite de la seconde guerre mondiale , car vue de l'Asie, ne rapporte que 22 ,2 millions soit la 29e recette de sa carrière. Le film révèlera cependant Christian Bale. Avec le temps, Empire du Soleil a retrouvé la place qu'il aurait du avoir, mais, comme pour 1941, il indique au cinéaste qu'il doit revenir à ce qu'il sait faire de mieux.
En 1989, il sort donc le 3e épisode d'Indiana Jones. Avec 197,1 millions (et 254 dans le reste du monde), il revient donc au sommet du BO, même si cette année, il sera distancé aux USA par le Batman de Burton. Qualifié de script paresseux par des journalistes en mal d'inspiration, ce 3e opus renoue au contraire avec le mysticisme du premier et l'ajout de Sean Connery dans la saga donne au film une dimension inédite. Spielberg a réalisé peu de séquelle, mais il n'en a raté aucune. Cependant, le public ignore qu'il vaudra attendre 19 ans pour avoir droit à une suite, même si les rumeurs d'une 4eme film avaient fleuri dans les années 90, un film dans lequel Kevin Costner aurait incarné le frère d'Indy.
6 mois plus sort Always, petite récréation où il retrouve Richard Dreyfuss. Mais ce remake d'un petit classique de l'âge d'or d'Hollywood est plutôt dans le creux de son BO personnel puisqu'il ne rapporte 43,5 millions.
Le cinéaste se fait alors plus rare, même si ses productions (Retour vers le futur et ses suites, Roger Rabbit...) cartonnent un peu partout.
Il se décide à revenir à la fantasy pure avec Hook. Dans ce film, Spielberg veut un casting 3 étoiles (Robin Williams, Julia Roberts, Bob Hopkins, Dustin Hoffman) et ne lésine pas sur les moyens : 70 millions de dollars pour raconter la vie adulte d'un Peter qui a laissé derrière lui ses rêves d'enfant et le pays imaginaire ! Avec 119 millions en caisse et 191 dans le monde, Hook est un succès, contrairement, là aussi, à une légende tenace qui parle d'un échec.
Cependant, on reproche au cinéaste de vivre sur ses acquis, ce qui est ridicule et de ne pas retrouver la magie de ses débuts. Piqué au vif, il se lance dans deux projets aux antipodes l'un de l'autres. Le premier va lui demande près de 3 ans de préparation et va révolutionner les effets visuels, le deuxième va enfin lui offrir une vraie reconnaissance critique.
Jurassic Park sort en mai 1993. C'est un raz de marée qui lamine tout sur son passage. Les dinosaures photo-réalistes attirent les foules dans les salles et la critique a beau s'égosiller sur le script un peu faiblard selon elle (il est vrai que le roman de Michael Crichton offrait un peu plus de matière), rien n'y fait. Le T-Rex massacre le box office mondial, rapporte plus de 350 millions en première exclusivité et 900 dans le monde. Lucas, qui a vu le film en avant première estime que la technologie est prête pour sa nouvelle trilogie.
On a dit à juste titre que Cameron avait entré les effets spéciaux dans l'ère numérique avec Abyss puis Terminator 2, mais il est tout aussi juste de dire que Spielberg les a démocratisés. Presque 100 ans après la naissance du cinéma, le 7eme art s'offre une 3e révolution , les premières ayant été le parlant et la couleur.
Du coup, l'arrivée de La liste de Schindler va définitivement imposer le cinéaste comme l'un des plus grands. La moisson d'Oscars, le succès mondial (321 dont 96 aux USA), mais aussi quelques critiques incroyablement injustes comme celle de l'auteur de Shoah qui voyait le film que comme un Indiana Jones (et qui sera taillé en direct par un Roger Hanin qui, lui, avait compris le film), tout va faire de son 14e film un nouveau sommet.
Et pour la première fois, il va se passer 3 ans entre La liste de Schindler et son film suivant.
Mais ce sera pour le prochain article