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25 janvier 2022 2 25 /01 /janvier /2022 11:20
Quelque part dans le temps (*****)

Le pitch : 1972, Richard Collier, un auteur dramatique se voit aborder par une vieille femme qui lui donne une montre en lui disant "Reviens moi, je t'en supplie". En cherchant à en savoir plus, il va découvrir qu'il a connu cette femme, Elyse McKenna, une actrice... en 1912.

 

Quelque part dans le temps est sans doute l'une des plus belles histoires d'amour du cinéma. Mais c'est aussi le film fantastique sans effet visuel le plus étonnant que l'on puisse voir. Porté par un casting étincelant  (Christopher Reeves, Jane Seymour et Christopher Plummer), mis en scène avec une élégance rare par le très bon Jeannot Szwarc qui s'empare avec brio de la nouvelle de Richard Matheson et déroulant une histoire absolument merveilleuse, le film , sorti en 1980 est bien plus qu'un classique. C'est aussi et surtout la preuve que le cinéma peut faire voyager, rêver et pleurer sans se servir des artifices classiques.

 

Si on y ajoute une sublime musique de John Barry, une reconstitution minutieuse de l'avant guerre aux USA et qu'on accepte le postulat que le héros remonte le temps par la seule force de sa pensée, on est vraiment face à un chef d'oeuvre.

 

Car tout dans ce film est sublime. Des première scènes dans un New York finalement très artificiel à la scène finale (qui a forcément inspiré James Cameron, j'y reviendrai) , en passant par la longue quête de Collier pour comprendre pourquoi cette femme lui a donné ce médaillon, l'histoire prend son temps et ne force jamais la main au spectateur. Bien au contraire, elle le laisse imaginer , faire la part des choses, comprendre que tel indice laissé dans la partie contemporaine (le groom qui se rappelle qu'en 1912, son père lui interdisait de jouer au ballon dans l'hôtel) va forcément se retrouver dans la partie située dans le passé. Le script égrène son histoire petit à petit.

 

Alors , bien sûr, les esprits cyniques se gausseront de cette folle histoire d'amour , de sa naïveté voire de sa chasteté. Ils critiqueront l'absence d'effets visuels lors du voyage dans le temps (le héros s'endort dans sa chambre d'hôtel et à son réveil, il est en 1912, sans explication aucune). Ils pourront même taper sur le rythme lent. Mais qu'importe. 

 

Porté par deux acteurs totalement en symbiose , Reeves qui fait oublier ici la toute puissance de son Superman et Jane Seymour, d'une beauté renversante, la rencontre, finalement tardive, propulse ce qui n'aurait pu être qu'une banal histoire de paradoxe temporel, dans une autre dimension, celle où la caméra se fait confidente d'une histoire naissante. 

 

Une scène magistrale parmi d'autres : alors que Elise McKenna joue la pièce dont elle est la vedette devant un public fasciné, elle brise alors le 4e mur et s'adresse directement à Collier, lui avouant son amour, avant de reprendre le fil de sa pièce. D'après le réalisateur, dans l'excellent entretien qu'il donne en bonus à Marc Toullec (Mad Movies, Impact) , cette scène fut l'une des plus dures à tourner, en raison de l'intensité de son dialogue. Mais au final, quelle merveille !!

 

Réalisé avec peu de moyens (des figurants bénévoles, un hôtel qui mit son bâtiment à la disposition de la production, un tournage de seulement 5 semaines) et un studio qui ne s'intéressait pas du tout au film - Szwarc sortait des Dents de la mer 2 et les pontes d'Universal aurait préféré qu'il fasse un autre blockbusters - , c'est le film le plus personnel de son auteur , et même s'il fut un échec à sa sortie, il gagna ses galons d'oeuvre culte au fur et à mesure du temps.

 

42 ans après sa sortie, il faut redécouvrir ce merveilleux conte. J'avais eu la chance de le voir en 1980 même si, il faut l'avouer, j'espérais surtout voir Superman remonter le temps. Mais déjà à cette époque, j'avais été subjugué par l'économie de moyens et par la puissance de l'histoire. Le Blu-ray se trouve facilement et à petit prix.

 

Maintenant, parlons de Cameron. Un personnage qui remonte le temps par amour, deux amants qui se retrouvent à la toute fin du métrage dans leur prime jeunesse par delà la mort... Je reste persuadé que le grand James a vu Quelque part dans le temps, qu'il l'a aimé et que, quelque part, les images les plus fortes lui sont restées en tête.

 

A vous de juger.

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4 octobre 2021 1 04 /10 /octobre /2021 19:57
Panic sur Florida Beach (****)

Le pitch : alors que la crise de Cuba plonge l'Amérique dans la peur, un cinéma de Floride se prépare à accueillir Mant, un film d'épouvante surfant sur la peur de la bombe atomique.

 

Joe Dante est un grand cinéaste , mais hélas, le grand public ne le sait pas. Il a pourtant offert Piranha, Hurlement, Gremlins, Explorers, L'aventure intérieure mais n'a jamais réussi à passer le cap du "faiseur de série B" malgré ses collaborations avec Spielberg (la première fut le sketch de La 4e dimension).  Malgré toutes ses qualités, malgré une filmographie suivant l'amour du cinéma, Joe Dante n'a pas réussi à passer ce plafond de verre qui sépare le bon cinéaste du cinéaste qui compte. Et ce n'est pas de sa faute, je le rappelle.

 

En 1993, Joe Dante est quelque peu au creux de la vague. Les banlieusards n'a pas fonctionné et Gremlins 2 ne parvient pas à réitérer la magie du premier. Il se lance donc  à corps perdu dans un film qui serait presque autobiographique ou en tout cas, qui est une déclaration d'amour à tout un pan de cinéma perdu, celui où les réalisateurs tentaient le tout pour le tout pour ramener le spectateur dans les salles - concurrence de la télévision oblige - et où les films de monstres sentaient bon les costumes en latex et les effets spéciaux à l'ancienne.

 

En situant son histoire durant la crise de Cuba, Joe Dante désigne clairement une période où l'Amérique a commencé à perdre son innocence. Kennedy était toujours vivant, la guerre au Vietnam n'avait pas encore pris de l'ampleur  et les scandales politiques majeurs n'avaient pas encore éclaté. C'est donc une société quasi idéale qui est montrée, avec des salles de cinémas à deux étages (balcon et orchestre), des jeunes filles en robes blanches, des garçons bien coiffés, même si l'un d'entre eux porte un blouson noir et le mauvais rôle... Bref, toute l'imagerie du début des sixties.

 

Et à partir d'une trame minimaliste (on va projeter un film d'horreur dans un cinéma de Floride) , Joe Dante entremêle énormément de chose : la crise de Cuba bien sûr, les peurs d'une famille vis à vis du père militaire en poste au large de l'île, la paranoïa atomique du gérant du cinéma qui va jusqu'à se construire un abri anti atomique dans le sous sol de son établissement, mais aussi   les "inventions" délirantes pour marquer le spectateur lors du film, la vie sur une petite base militaire, sans oublier le film Mant, en noir et blanc dont nous pouvons voir de larges extraits en même temps que les spectateurs du film.

 

Et comme si cela ne suffisait pas,  Joe Dante s'intéresse aussi à la découverte de l'amour par son casting  adolescent. Ainsi la très belle histoire entre Gene et Sandra est finement amenée. Gene est le fils d'un militaire présent au coeur de la crise, Sandra est la fille d'une famille atypique et contestataire. Elle est interprétée par Lisa Jakub qu'on avait pu voir ado dans Mme Doubtfire et ID4. La naissance de leur histoire se fera évidemment lors de la vision de Mant.

 

En fait, les jeunes acteurs sont les vrais vedettes du film, même si c'est John Goodman, en producteur/réalisateur quelque peu magouilleur qui est mis en avant par la promotion du film dans le rôle de Laurence Woosley, un décalque évident de William Castle. Ce dernier était un as pour assurer la promotion de ses films par des procédés physiques loufoques ou pour la publicité faite autour. Ainsi, il eut l'idée de faire signer une décharge au spectateur s'il venait à mourir de peur durant la vision d'un de ses métrages. Cette anecdote est d'ailleurs repris dans Panic sur Florida Beach.

 

Joe Dante divise son histoire en deux parties. La première voit la montée en parallèle de la crise (les gens qui pillent les supermarchés, les exercices d'alerte au lycée, les images d'actualités qui passent en boucle à la télé) et l'installation des bricolages qui vont permettre de "surprendre" le spectateur durant le film. On y rencontre tous les protagonistes de l'histoire et les liens qui vont se tisser puis justifier l'action de la 2e partie.

Puis le film oblique sur la vision en salle de Mant et les conséquence que cela va avoir sur la vie de chacun : Woosley tient son triomphe, Howard le gérant du cinéma croit que les multiples interventions physiques (sièges qui vibrent, explosion de sucre...) sont les prémices de la guerre qui démarre, Sandra et Gene vont tomber amoureux et le "voyou" chargé de lancer les animations va, par son incompétence et sa jalousie, faillir mettre en l'air le beau plan marketing de Woosley.

 

Le film projeté est à lui seul un hommage à tous les monsters movies des années 50. Joe Dante ira jusqu'à employer des acteurs de films de genre de ces années. Naïf, gorgé de dialogues grandiloquents , truffés d'effets visuels physiques (n'oublions pas qu'en 93, la révolution induite par Jurassic Park n'en est qu'à ses début) et très old school, Mant est à la fois une caricature et un tendre regard sur tout un pan de cinéma B (voire Z), jusqu'à l'inévitable chute qui montre que le monstre n'est jamais vraiment mort.

 

Panic sur Florida Beach fut un échec cuisant  à sa sortie : à peine 10 millions de dollars de recettes aux USA et même pas 50 000 spectateurs en France et malgré des critiques très positives. Le blu-ray qui lui sert désormais de support est donc la seule façon de le découvrir et de se rappeler que , oui,  Joe Dante est un très grand cinéaste et qu'on ne peut que regretter que, tout comme John Landis ou John Carpenter, il se fasse désormais si rare sur nos écrans.

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23 février 2021 2 23 /02 /février /2021 21:48
Doctor Sleep (*****)

Le pitch : 30 ans après les évènements tragique de l'Overlook Hotel, Dan Torance va rencontrer une jeune adolescente dont le shining est encore plus puissant que le sien. Mais dans l'ombre, une bande de vampire psychique , dirigée par Rose  , la convoite.

 

Shining est un des premiers romans de Stephen King (le 3e) et c'est l'un des plus puissants ! L'un des plus autobiographiques aussi - l'addiction passée de l'écrivain à l'alcool est connue de tous - , l'un des plus durs, l'un des meilleurs !

 

De ce fait, en faire une suite romanesque des années après était un pari énorme et sacrément risqué. Mais rien ne fait peur au King et ce pari il l'avait réussi haut la main ! Doctor Sleep était largement , très largement à la hauteur de Shining, explorant le don de Dan et lui démontrant qu'il est loin d'être le seul - même si cela on le savait dans le premier roman. Mais surtout, Doctor Sleep était un roman cruel, parfois difficile à lire - la secte torturant les enfants pour leur soutirer un maximum de souffrance - mais parfaitement logique dans sa construction et surtout, surtout passionnant jusque dans ces dernières pages !

 

Qu'allait faire Mike Flaganan d'un tel chef d'oeuvre littéraire, lui qui avait déjà tâter du King avec Jessie ? Simple, une réussite cinématographique sans pareille !

 

Attention, je vais ici parler de la version longue , présente sur le Blu-ray qui réorganise le film en chapitre et rajoute plusieurs scènes - Dan et Jack avec son père dans les toilettes de l'Overlook, la mère de Violette hurlant le nom de sa fille - tout en prolongeant certaines autres. Bref, les 3 heures de cette nouvelle version respecte encore mieux le roman que le film salle, n'édulcorant en rien la brutalité du roman ! Ainsi, la mort du petit joueur de base-ball est atroce !

 

Mais ce qui fait la force de Doctor Sleep, au delà de son scénario diabolique et cette abominable secte, dirigée par une sorcière d'une beauté stupéfiante, c'est l'interprétation d'Ewan Mc Gregor qui trouve ici l'un de ses meilleurs rôles qu'il soit dépeint en alcoolique écrasé par son don et sa culpabilité ou en médium cherchant à sauver Abra, la jeune fille dont la puissance excite la secte ! Chacune de ses scènes met la chair de poule et on le sent totalement investi dans un rôle difficile, d'autant plus qu'il n'est finalement pas le héros de cette histoire si l'on y réfléchit à deux fois.

 

L'autre force du film c'est qu'il prend son temps de présenter ses personnages, ses situations et de donner toutes les clés d'une histoire complexe, alternant le présent et le passé, recréant même certaines scènes de l'oeuvre culte de Stanley Kubrick. Oui, le rythme est lent , oppressant  et pourtant il ne laisse pas de répit tant il est parfois malsain. Le roman faisait flipper , le film également. Il ne cherche jamais à édulcorer ou à caresser le spectateur dans le sens du poil. Pas d'humour , pas de clin d'oeil putassier, juste une histoire où la cruauté du monde n'en est que plus évident.

 

En filmant dans des décors quasiment vides et grandioses, comme l'Amérique sait en offrir, Flanagan augmente encore ce sentiment de solitude devant la mort ou le destin. Il est clair que si Dan est le seul à pouvoir s'opposer à la secte,  il ne peut le faire seul et c'est finalement l'Hoverlook, ce lieu maudit qui lui donnera les clés. 

 

Un point qui peut choquer est que la secte  se déplace en camping car, comme des nomades morbides et se nourrissant de l'énergie des êtres possédant le shining, évoquant sans tabou les peurs quasi racistes que certains d'entre nous éprouvent en pensant aux gitans, accusés de tous les maux. L'histoire convoque toute la mythologie des gens du voyage : les cheveux longs, le déplacement de lieu en lieu, le côté famille que l'on ne peut pénétrer... Bref, un gros risque du côté du politiquement incorrect.

 

Divisée en 6 chapitres, cette version prend donc son temps de faire monter la pression , petit à petit, avant l'hallucinant final où le mot sacrifice prend tout son sens. L'avant dernier chapitre donnait déjà un sacré coup d'accélérateur à l'histoire avec le massacre de la secte par Dan et son ami.

 

Au niveau visuel, là aussi, c'est le sans faute. Les effets spéciaux sont à la fois renversants et poétiques - le voyage astral de Rose est superbe - et les maquillages tapent là où ça fait mal. Et le soin donné aux cadres permet un lustre et un luxe de série A ! On est loin d'une adaptation à la petite semaine faite par une bande opportuniste. 

 

Doctor Sleep est donc une réussite totale, magistrale même, magnifiée par une interprétation hors du commun. Et cette version longue amplifie encore les qualités d'un métrage déjà excellent au cinéma ! Comme quoi, le King, quand il est compris du cinéaste, peut offrir son pendant à l'image d'un chef d'oeuvre de papier. Dommage que le public ne lui ai pas donné sa chance - à peine 72 millions de recette mondiales pour un budget de 45 !

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6 décembre 2020 7 06 /12 /décembre /2020 19:31
Une grande année (****)

Le pitch : un trader londonien arrogant hérite de la maison et du vignoble français de son oncle, là où il avait passé son enfance.

 

Entre l'énorme Kingdom of Heaven et le non moins épique American Gangster, Ridley Scott s'offrit une petite récréation avec cette charmante comédie romantique se déroulant en France. Mais on le sait, chez Scott, même un projet intimiste est forcément le dessus du panier d'une production cinématographique souvent trop sage.

 

Bénéficiant d'un excellent casting français (Marion Cotillard, Didier Bourdon, Valéria Bruni-Tedeshi !! Qui aurait pu croire qu'un des Inconnus jouerait pour le metteur en scène d'Alien et Blade Runner ?) mais surtout d'une très belle histoire, ponctuée de merveilleux flash-backs où l'immense Albert Finney (Wolfen, Annie mais aussi, déjà avec Scott, Les duellistes) va initier un tout jeune Freddie Highmore au monde du vin. 

 

La trame est très très  classique et rappelle quelque peu celle de Hook !! Oui, car là aussi, on rencontre un adulte devenu cynique et ayant oublié tous ses rêves d'enfants et qui, au  contact de la "vraie" vie va se ré-inventer, redevenir ce qu'il fut. Et pour interpréter ce trader, Scott fit à nouveau appel à Russel Crowe, son acteur de Gladiator , qu'il retrouvera ensuite dans American Gangster, Mensonges d'état et Robin des bois ! Choix judicieux tant Crowe est capable de passer  d'un style à un autre , y compris (et surtout) dans un même film. Ici, même s'il lui faudra du temps pour retrouver son "innocence", il incarne bel et bien les deux facettes d'un homme , le superficiel et l'essentiel.

 

En fixant son intrigue en France (comme pour Les duellistes ou une partie de Kingdom of Heaven ou Robin des bois), Scott cherche surtout à rendre hommage à la vigne. Et quoi de mieux que notre pays. Mais , si l'on peut y voir quelques clichés, on sent qu'il aime la France et que jamais il ne cherche à la ridiculiser. Alors oui, on a un  Didier Bourdon bien râleur ou une Marion Cotillard trop belle pour n'être que serveuse - cette beauté étant sublimée par la mise en scène de Scott, toujours aussi fine - mais au final, c'est bien la France qui est à l'honneur, son terroir, ses accents, sa façon de vivre.

 

Une grande année est une comédie qui ne tombe jamais dans la farce - le côté "comique" va venir du décalage entre la vie londonienne de Crowe et la redécouverte des valeurs de son enfance ou des dialogues - mais au contraire qui respecte ses personnages. Ce qui n'empêche pas Scott de filmer une partie de tennis comme il filmait les duels de Duellistes ou les combats de Gladiator. On sent que le réalisateur s'amuse énormément , s'offre une belle récréation mais jamais ne met de côté "son" cinéma, à savoir un subtil mélange d'exigence (une fois de plus, la lumière et les cadrages sont à tomber par terre), de tableaux vivants et d'exploits techniques, même si  ces derniers sont ici très discrets.

 

En redevenant plus léger, après une série de films âcres (même Les associés comporte une part sombre et un Nicolas Cage souvent inquiétant) , il retrouve le thème de l'innocence ,comme dans Legend ou 1492. Mais à la différence de ces deux films, ici, c'est bien l'innocence qui va triompher du cynisme voir du mal. Et la plus belle scène du film voit une fillette plonger dans une piscine, la traverser et embrasser Freddie Highmore. Cette scène représente en fait la "révélation" de Une grande année et elle permet de voir l'histoire d'amour d'un oeil différent.

 

Echec aux USA (7 millions de dollars de recette), se remboursant à peine dans le reste du monde (35 pour un budget équivalent), Une grande année ne peut pas être considéré comme un Scott mineur. Car comme tous les films du réalisateur, il a été conçu dans l'amour du cinéma, dans la volonté d'imprimer sur pellicule les plus belles images. En offrant cette touchante histoire de rédemption au public, Ridley Scott a fait plus que se distraire entre deux monstres techniques, il a simplement ouvert son âme.

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7 décembre 2018 5 07 /12 /décembre /2018 07:25
Detroit (**** 1/2*)

Le pitch : alors que Détroit s'embrase dans des émeutes liées à des tensions raciales, 2 policiers racistes investissent un hôtel où un jeune noir a eu la mauvaise idée de tirer sur les forces de l'ordre avec un pistolet inoffensif.

 

Katryn Bigelow est sans aucun doute la plus grande réalisatrice américaine de toute l'histoire du cinéma. Sa filmographie est remplie de chefs d'oeuvre (Near Dark, Strange Days, Demineurs, Le poids de l'eau, Zéro Dark Thirty) et il est donc logique que son regard sur la question raciale américaine soit un tel coup de poing, un film sec, maîtrisé de A à Z, souvent en état de grâce et surtout sans aucune concession.

 

Mêlant images d'archives et film de fiction, la cinéaste plonge le spectateur dans le chaos de Detroit et les émeutes de 1967, sans lui fournir la moindre explication et sans s'attarder à présenter les personnages - un procédé similaire au début de Strange Days d'ailleurs) , chose qu'elle fera plus tard, au bout de presque 30 minutes, quand les policiers investiront l'appartement et entameront leur danse macabre. Car une fois que l'unité de lieu et de temps sera mis en place, le film passe du presque documentaire à une véritable oeuvre de fiction se basant sur le réel, et utilise alors tous les procédés d'un film , ses mouvements de caméra, ses travellings, ses points sur des détails essentiels. Bref, Detroit devient un vrai film de cinéma et quand on sait que la réalisatrice est une surdouée, on est alors happé par cette histoire terrifiante, par son racisme, sa brutalité (rien n'est épargné aux malheureuses jeunes femmes accusées de "frayer avec des nègres") et son absence totale de remords.

 

On a d'ailleurs peine à croire à cette histoire tant elle semble loin dans le temps, alors que les évènements ne datent que de 50 ans, un abcès épouvantable sur une Amérique encore remplie de préjugés et de haine. Mais pourtant, et la dernière partie va encore plus loin dans le dégoût de cette époque, avec la reconstitution du procès qui, finalement absoudra les meurtriers, tout est réel, impitoyablement réel.

 

Pour reconstituer cette époque, Katryn Bigelow utilise des acteurs peu connus. Les seuls visages que l'on a déjà vus ailleurs - et pour cause - sont John Bogeya alias Finn dans la nouvelle trilogie Star Wars et Anthony Mackie alias Le faucon dans le 2e Captain America. Pour le reste, rien ne vient distraire le spectateurs. Comme toujours, la réalisatrice va à l'essentiel et ne veut pas parasiter son propos.

 

Le tour de force de Detroit est bien entendu sa partie centrale. Une fois tous les personnages - les musiciens, les jeunes filles et leurs compagnons noirs, le vigile noir, les policiers racistes - , commence alors ce long et terrifiant interrogatoire où , imbus de leur pouvoir, les forces de l'ordre ne vont plus connaître aucune limite, aucun tabou, le meurtre n'étant finalement qu'un moyen comme un autre d'obtenir des aveux.

 

Durant une bonne heure, on assiste donc à cette bavure épouvantable, un rouleau compresseur qui se met en place et qui avance, écrasant tout sur son passage. Les humiliations et les coups se succèdent sans qu'aucun des habitants de l'hôtel  ne comprennent ce qui se passe.  Et les tentatives de Bogeya pour adoucir les choses ne changent rien. A chaque instant, on sait que cela va mal finir et la seule chose qui épargnera aux deux jeunes femmes de se faire violer est leur couleur de peau.

 

Véritable coup de poing dans la figure du spectateur, Detroit ne prend pas de gant et ceci explique sans doute son échec public : 16 millions de recettes aux USA pour un budget de 34, quasiment rien de plus dans le reste du monde. Sans doute le film est-il trop radical dans sa description de la vérité ! Sans doute que l'Amérique n'est pas encore prête pour regarder en face certains aspects de son histoire.

 

Mais échec ou pas, Detroit reste un nouveau sommet dans la filmographie de la réalisatrice. Ceux qui auront le courage de s'y engager ne seront pas déçus : plus qu'un pan d'histoire, c'est surtout un métrage totalement maîtrisé, réalisé de main de maître, brillamment interprété et dont le jusqu'au boutisme se justifie totalement. Bref, c'est un très grand film de cinéma !

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7 septembre 2018 5 07 /09 /septembre /2018 06:42
Au coeur de l'océan (****)

Le pitch : en cherche d'un sujet pour son nouveau roman, Herman Melville va rencontrer un vieux marin , Thomas Nickerson, dont le premier voyage sur un baleinier a été marqué par un drame : le bateau a été coulé par un cachalot blanc et son équipe a dérivé pendant des semaines avant de retrouver la terre ferme.

Ron Howard n'est jamais là où on l'attend. Après avoir décrit la rivalité entre Nikki Lauda et James Hunt et avant de retracer la carrière US des Beatles, le cinéaste s'est donc à nouveau plongé dans la réalité en soulevant un pan méconnu de la littérature américaine : la naissance de ce très grand classique qu'est Moby Dick.

 

Ayant lu le roman il y a des années (quand j'étais adolescent), j'étais persuadé que l'histoire était sorti de l'imagination de Melville. Ce film m'a montré le contraire. Du coup, je me suis intéressé aux origines du roman. Cette excellente page Wikipédia les résume parfaitement  ! Et effectivement, Melville a mélangé plusieurs sources pour son roman, dont le récit écrit d'Owen Chase , héros du film et interprété par Chris Hemsworth. A noter que le mousse Thomas Nickerson écrivit également le récit de son aventure, mais celui-ci ne fut découvert que dans les années 1960. 

 

Melville, qui fut mousse dans la marine marchande rencontra le fils d'Owen Chase qui lui remit le récit de son père.

 

Un tel sujet ne pouvait qu'inspirer Ron Howard. En effet, le cinéaste adore ses moments d'histoire américaine qui ne sont pas forcément les plus connus ou qui ne représentent pas toujours une réussite. Appolo 13, le duel Nixon/Frost, la vie de John Forbes, la conquête de l'Oklahoma (qui inspira également un album de Lucky Luke) ou les tournées US des Beatles, il s'est souvent plongé dans la re-création d'un petit pan de l'Amérique.

 

Au coeur de l'océan ne déroge pas à la règle : la reconstitution est minutieuse et les acteurs ont payé de leur personne pour illustrer le lent déclin de leur apparence suite au naufrage de l'Essex, leur amaigrissement, les brûlures du soleil... Le monde des baleiniers de 1820 est également parfaitement rendu et la chronologie du récit permet également à Howard de filmer une scène de chasse où la capture d'un cachalot est décortiqué quasiment minute par minute, y compris dans ses aspects les moins ragoûtants. 

 

Mais au final, la force n'est pas dans des scènes d'action époustouflantes, même si les attaques du cachalot blanc (dont l'existence autour de l'île de Mocha est attestée) sont sacrément impressionnantes ! Le format utilisé par Howard offre d'ailleurs une image plus carré que le cinémascope, ce qui lui permet de composer de superbes plans de la queue du monstrueux cachalot se dressant à la verticale devant des hommes épouvantés par sa puissance. Autre scène choc, une tempête dantesque qui, symboliquement, annonce la catastrophe à venir.

 

Non, la force est bel et bien dans le récit du naufrage et des actes qui s'ensuivent, notamment le cannibalisme dont se livrèrent les survivants et qui marqua toute leur vie à venir. Reprenant un thème déjà abordé dans Les Survivants de Frank Marshall, Howard en fait, de manière subtile, le point tournant du récit de Nickerson, celui qui explique que pendant des années il refusa d'en parler, y compris à sa femme et qui le fit sombrer dans l'alcoolisme. De ce voyage inaugural, le jeune mousse a connu une virée en enfer et les attaques du cachalot sont finalement moins terribles pour lui que cette obligation de manger ses ex-compagnons.

 

Mais le film ne se résume pas qu'à un "survival". Comme je l'ai écrit plus haut, le côté grand spectacle n'est pas oublié et Howard se fend de superbes visions maritimes, même si toutes vont dans le même sens  : l'homme est minuscule sur l'océan. Plusieurs plans montrent le bateau ou, et c'est encore plus impressionnant, les barques dans une immensité d'eau, le Pacifique sud étant un énorme désert. 

 

Superbes aussi ces scènes sous-marines où évoluent les cétacés. Le "look" du cachalot blanc a été très travaillé et la scène où Chase renonce finalement à le tuer , malgré tous les dégats et morts qu'il a causé, passe uniquement par la force de l'oeil du cétacé. 

 

Enfin, le réalisateur filme un certain nombre de ces scènes à terre à travers le verre des vitres, des bouteilles que Nickerson remplit de maquettes de bateau. Une manière de prendre une distance avec son sujet, mais également de dire que la fiction n'est qu'un reflet déformé de la réalité.

 

Comme toujours, Ron Howard a su réunir un casting exceptionnel : Chris Hemsworth en tête bien sûr, mais aussi Cillian Murphy, Benjamin Walker, Tom Holland... Chaque acteur donne le meilleur de soi même et Hemsworth, que l'on aurait tort de réduire au seul rôle de Thor y est aussi bon que  dans Rush. Il incarne l'âme du film, même si ce n'est pas lui qui en raconte l'histoire. Son opposition avec Benjamin Walker, qui incarne le capitaine du navire est extrêmement bien rendue et c'est finalement sur leur dernière scène commune que le Pollard va comprendre les motivations de Chase, ce qui lui donnera le courage de dire la vérité devant la commission baleinière.

 

Les deux heures du métrage passent sans aucun temps morts et Ron Howard a parfaitement réussi son pari. Il est donc dommage que Au coeur de l'Océan n'ait pas rencontré son public : à peine 93 millions de recettes mondiales pour un budget de 100. Et l'édition vidéo n'a pas été un triomphe non plus. Espérons juste que le temps lui offrira le succès qu'il mérite.

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17 septembre 2016 6 17 /09 /septembre /2016 08:37
Ben Hur - 2015 (***1/2*)

Le pitch : Accusé d'un crime de lèse majesté envers l'occupant romain, Judas Ben Hur est envoyé aux galères par son ami d'enfance , Messala. Il parviendra à revenir à Jérusalem pour assouvir sa vengeance, même si sa rencontre avec un jeune charpentier va radicalement changer sa vie.

 

Disons le tout de suite, en admirateur du classique de William Wyler, j'attendais avec une très grande apréhension ce remake. Les très mauvais résultats US ne laissaient rien présager de bon non plus et on pouvait même craindre de se retrouver devant l'un des pires films de l'année.

 

Et pour être tout à fait honnête, étant coincé à Nancy durant une soirée, c'était le seul film qui rentrait dans mon créneau. Au pire, je n'aurai perdu que 2 heures et quelques.

 

Surprise ! Ce Ben Hur est loin d'être la catastrophe annoncée, bien au contraire. Bien entendu, il ne peut pas faire oublier la prestation de Charlton Heston ou le mysticisme de la version de 1959. Impossible non plus de faire la comparaison avec les incroyables scènes de foules et la course de char de l'original. Mais justement, Timur Bekamentov a choisi une direction différente et, même si la fameuse course (très bien filmée) apparait dès le départ du film avant que celui ci ne reparte dans un long flashback, il ne cherche pas à enterrer le classique (qui était lui même un remake d'un muet de 1925, visible sur l'édition collector Blu-ray sorti il y a quelques années) via une mise en scène "moderne" ou des effets visuels à gogo.

 

On peut même dire qu'il calme sa façon de filmer pour se mettre au service de l'histoire et non l'inverse. On a bien affaire à une nouvelle interprétation d'un roman (quelque peu indigeste) écrit il y a plus d'un siècle et pas seulement un remake de plus.

 

D'autant plus que Bekamentov adopte certains paris  audacieux comme  la bataille navale, quasiment entièrement filmée du point de vue de Ben Hur enchaîné à son banc de rameurs. A la place de majesteux plans larges numériques, on vit donc la confrontation comme le vivait l'esclave ou les sans grades de la marine romaine. Il fallait oser, mais ainsi, la bataille n'en devient que plus brutale.

 

Evidemment, comme tout peplum récent, Ben Hur se fonde sur un gros travail de reconstitution historique, bien éloigné des images d'Epinal de la grande époque hollywoodienne. Evidemment, les extensions numériques permettent de montrer Jerusalem comme on ne l'a jamais vu, d'éviter le côté "carton pâte" et de donner un côté bien plus réaliste à une vie qui ne devait pas être si facile. Les acteurs font également bien plus "couleur locale" que dans les années 60, où l'Empire romain ne semblait être peuplé que de WASP. Bref, Ben Hur s'ancre dans le cahier des charges mis au goût du jour par Ridley Scott avec Gladiator et devenu une obligation depuis.

 

Au jeu des différences, on pourra noter que ce n'est pas un patricien romain qui donne sa chance au héros après qu'il l'ait sauvé lors de la bataille navale, mais un riche nomade africain (Morgan Freeman, seul visage vraiment connu du film), que ce ne sont pas la soeur et la mère de Ben Hur qui provoque l'incident lors du passage de Ponce Pilate, que la rivalité entre les deux personnages monte graduellement (elle est quasi immédiate dans le film de 1959) et que le happy end, surprenant, modifie quelque peu la fin de l'histoire, sans aller jusqu'à lui faire prendre une autre direction, non plus.

 

Mais la plus grosse différence, hormis la modification du destin d'un personnage, est la façon de filmer le Christ. En effet, en 1959, Wyler avait fait le choix de le filmer systématiquement de  dos, mais aussi de commencer son film par sa naissance. Le réalisateur russe n'hésite pas à le montrer de face, à le faire parler. Pour la petite histoire, le roman de Lew Wallace était sous titré "Une histoire du Christ". Avoir lu dans une chronique que "rajouter" le Christ était ridicule et ne pouvait que viser le public fondamentaliste m'a montré que certains chroniqueurs devraient se documenter un minimum.

 

Les destins de Ben Hur et de Jésus sont donc étroitement mêlés. Benkamentov va jusqu'à reprendre l'un des thèmes du film muet. En 1925, Ben Hur réunit une armée pour sauver le Christ lors de sa montée vers le Golgotha, mais ce dernier refuse toute aide, préférant aller vers la mort. Ici, point d'armée, mais une pierre dans la main de Ben Hur, prêt à la lancer sur les tortionnaires romains de Jésus. Celui-ci refusera l'aide et ira vers son destin.

 

Personnellement, j'ai beaucoup aimé les scènes où le Christ apparaît. Elles sont tournées avec beaucoup de tact et rendent vraiment hommage à l'homme. Les origines russes du réalisateur y sont sans doute pour quelque chose, d'autant plus que le film n'élude pas les miracles réalisés après la mort sur la croix, notamment la guérison de la mère et de la soeur de Ben Hur de la lèpre.

 

Bien évidemment, la scène la plus attendue est la course de char. Là aussi, surprise, alors qu'on s'attendait à un déferlement numérique, on a droit à une course bien plus "mécanique" qu'attendu. Les différents protagonistes s'expriment dans leur langue et les rebondissements de l'original sont bien là. Il est d'ailleurs assez amusant de voir que cette séquence s'apparente parfois à la course de module de La menace fantôme, ce qui est tout à fait logique vu que Lucas n'a jamais caché son inspiration envers la scène mythique. Bien filmée, bien rythmée, reprenant la dramaturgie classique et la symbolique - dont le sous-titre du film, défier un empire, souligne bien la portée, la course de char est à l'image du film : réussie et spectaculaire, sans jamais tomber dans l'esbrouffe.

 

On pourra trouver quelques défauts à cette nouvelle version. Le souffle épique est parfois absent et l'histoire peine à démarrer. Les combats de Messala sont trop calqués sur la façon de filmer de ceux de Gladiator, certains dialogues sonnent un peu trop "contemporains" et Messala manque parfois de charisme.

 

Mais globalement, on a affaire à un bon peplum qui aurait mérité meilleur sort. Il est dommage qu'il ait été surtout jugé à l'aune de son insurpassable aîné, ne pouvant supporter la comparaison. Pour ceux qui n'ont pas vu le classique et qui se seront laissés tenter, peut-être que cet opus deviendra leur version. Mais pour cela, il aurait fallu que le public se déplace un peu plus nombreux.

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26 décembre 2013 4 26 /12 /décembre /2013 11:28

Le pitch : Pour faire passer sa loi interdisant l’esclavage, le président Républicain était prêt à tout, y compris à acheter des voix démocrates.

 

Lincoln commence par une impressionnante scène de tuerie lors de la guerre de sécession, ce conflit sanglant qui faillit briser l’Amérique entre 1861 et 1865 (et « popularisée » en France par la BD Les tuniques bleues). Et cette première scène est finalement trompeuse car Lincoln n’est en rien un biopic du président ni une histoire de cette guerre.

 

C’est au contraire, un film politique, où les combats sont verbaux, parfois feutrés lorsqu’ils déroulent dans une petite pièce, parfois outrés quand ils prennent place dans la chambre des représentantes des Etats Unis d’Amérique.

 

Et c’est sans doute cet aspect qui explique son échec en France. Car notre pays se contrefout de l’histoire américaine, pourtant passionnante. Alors passer deux heures et quelques à analyser les discussions politiques autour de l’esclavage, passer en revue les réticences y compris chez les Républicains, voir comment Lincoln achetait les voix nécessaires et voir comment le Congrès adopta finalement cette loi historique, à part les fanas d’histoire comme moi, personne en France ne s’y intéressa. D’ailleurs, le film fut tellement peu longtemps à l’affiche que je n’eus même pas le temps d’y aller. Je me suis donc rattrapé avec le Blu-Ray (superbe).

 

Ce qui est amusant, c’est que notre arrogance anti-américaine passe son temps à nous dire que les concitoyens d’Obama sont des ânes incultes. Sauf que ces « ânes » ont fait un triomphe à Lincoln. Pourtant, vous n’y trouverez ni bataille filmée en plan large, ni suspens insoutenable autour d’un affrontement guerrier, ni même  l’assassinat de Lincoln. Vous n’apprendrez rien sur la jeunesse du président, sur ses échecs, sur sa raison qui l’a poussé à déclarer l’esclavage illégal, provoquant la guerre la plus sanglante qui ait jamais eu lieu sur le sol américain (et qui présageait par bien des aspects le suicide européen de 1914). Le public américain si ignare n’en a pas besoin car tout cela il le connaît. Il connaît l’histoire de son président, il connaît les échecs de jeunesse de Lincoln, il sait le déroulement de la guerre, des retournements de situation, de la grandeur d’un soldat comme le général Lee.

 

Le public américain a donc fait un triomphe au film de Steven Spielberg. Car qui d’autre que le wonder boy du cinéma US pouvait rendre justice au génie de Lincoln. D’ailleurs on peut diviser l’œuvre de Spielberg en deux parties : l’entertainement (Jurassic Park, Minority Report, ET….) et l’histoire (Amistad, Ryan, Empire du Soleil…). Lincoln fait donc partie de cette deuxième veine, sans doute la plus riche au final. Et il trône forcément tout en haut de ce versant.

 

Car Spielberg sait comme personne filmer des joutes verbales, il sait pénétrer dans les pensées de ses personnages, il n’hésite pas à prendre son temps quand il le faut pour exposer chaque protagoniste. Mieux encore, et c’est ce qui a sans doute déstabilisé en France, il compte sur l’intelligence du public. Il n’explique donc pas tout, se permet des ellipses et amène doucement son histoire vers le vote de la loi. Incroyablement pédagogique pour celui qui sait écouter, Lincoln met donc tout en œuvre pour rendre hommage au président, sans cacher ses zones d’ombres. Alors, oui, on n’a pas droit à un biopic. À la limite, Abraham Lincoln chasseur de vampires vous en apprendra plus sur lui. Mais là n’est pas le propos.

 

Ce qui intéresse Spielberg, c’est bien ce moment où la constitution va changer, où la loi va faire un premier pas timide vers la liberté des Afro-américains. Alors, il filme calmement, presque sans lumière parfois. Les dialogues sont souvent murmurés, les personnages s’affrontent du regard, mais aucun ne peut soutenir la volonté du président. Le film est une énorme leçon politique, mais aussi une leçon magistrale de cinéma ! Et tant pis pour ceux qui voulaient du spectaculaire, de la bataille de Gettysburg en 3D ou de la charge de cavalerie.

 

Ces considérations politiciennes n’empêchent pas le réalisateur de donner son avis sur cette guerre. Une scène extraordinaire voit Lincoln tenter d’empêcher son fils d’aller se battre avec l’armée nordiste. Il l’emmène à l’hôpital où l’on ampute les soldats. Et c’est en voyant un monticule de jambes coupées qu’il va commencer à réfléchir. Par ce biais, Spielberg condamne sans ambiguïtés sanglantes du conflit : la lutte pour l’esclavage passait par une boucherie sans nom.

 

Il n’élude pas non plus les états d’âmes des soldats noirs qui certes se battaient mais qui n’avaient pas le droit de vote. Enfin, les considérations racistes de l’époque ne sont pas du tout sous-estimées, mais Spielberg ose les filmer comme « normales », reflets de la pensée du XIXe siècle. Point d’anachronisme donc, mais une réflexion très poussée sur ce qui est « juste », y compris dans la façon dont on l’exprime.

 

Après un Cheval de guerre dantesque, Steven Spielberg a donc rendu l’hommage qu’il recherchait depuis des années à Abraham Lincoln. Aidé par  un Daniel Day Lewis absolument incroyable et récompensé par l’Oscar le plus mérité depuis des années, Lincoln est véritablement le film  à redécouvrir en cette fin d’année. C’est une porte ouverte vers un univers bien plus vaste : l’histoire d’un pays vieux de seulement 500 ans, mais qui aura donc été toujours en avance sur le reste du monde libre !!

 

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6 décembre 2013 5 06 /12 /décembre /2013 08:10

Le ptich : un jeune garçon, fan du héros d’action Jack Slater incarné par Arnold Schwarzenegger, se retrouve propulsé dans l’opus cinématographique n°4 de son idole !

 

John Mc Tierman est sans doute l’un des plus grand réalisateur d’action de tous les temps. Predator, Piège de Cristal, Une journée en Enfer, Le 13e guerrier, A la poursuite d’Octobre rouge… Excusez du peu. Même ses films « mineurs » comme Thomas Crowne, Rollerball ou Basic sont des films monstrueux ! C’est simple, à part Cameron et Bay, personne, je dis bien personne, ne lui arrive à la cheville.

 

Last action Hero est à la fois son meilleur film et sa plus grande malédiction. Son meilleur film parce qu’il brasse et met à terre tous les thèmes qu’il a contribué à créer, s’autorisant même deux autocitations, une visuelle (la chute de Jack Slater dans le vide), l’autre orale (quand Danny dit « A la fin de Piège de Cristal… »). Sa plus grande malédiction parce que son échec aux USA (à peine 50 millions de dollars, pour un budget frôlant les 90, somme énorme en 93) face aux dinosaures de Spielberg a condamné Mc Tierman  à prendre moins de risque. Et même si Die Hard 3 constituera un autre sommet, les années qui suivront ne lui permettront pas de rester au premier plan.

 

Mais revenons à Last Action Hero. L’objectif premier du film est bel et bien de tordre le cou au genre, de le confronter à ses propres clichés. Et pour cela, Arnold prendra aussi un risque insensé ! Alors qu’il trônait au sommet du monde avec Terminator 2, il choisit de revenir à l’écran avec une comédie d’action. Bruce Willis (Le dernier Samaritain) et Sylvester Stallone (le remake d’Oscar, Arrête ou ma mère va tirer) s’y étaient cassé les dents. Mais Schwarzenegger avait réussi à imposer des films comme Jumeaux ou Un flic à la maternelle. Associé à celui qui a conforté à crédibiliser son image avec Predator, le film ne pouvait qu’être réussi : il propose une histoire à la fois complexe et simple, des scènes d’actions bigger than life où tout est exagéré, et ce dès les premiers moments du film, une succession délirante de guest stars et des plans typiques du cinéma de McTierman. Enfin, l’humour n’y est jamais bébête et Arnold prend un malin plaisir à se moquer de lui, faisant preuve d’une très grande dérision et d’une vision lucide sur son cinéma, son image à l’écran et les films qui l’ont rendu célèbre.

 

Mais le public américain ne l’a hélas pas compris. Vendu comme un film d’action de plus, ce qu’il n’est nullement, Last Action Hero n’a pas su capitaliser ses atouts. Et face à des productions plus directes, comme Cliffhanger, La firme ou Le fugitif, il a rapidement coulé. Heureusement, l’Europe a permis de sauver les meubles avec un accueil plus favorable.

 

Pourtant, cette Rose pourpre du Caire puissance 10 tient du prodige ! Miracle d’écriture, avec une succession de scènes à la fois parodiques (Hamlet version Arnold, démentiel !!) et culturellement bien ancrées cinématographiquement. Les références abondent et ne se contentent pas de plagier les derniers films en date. Ainsi, on peut saisir des moments volés au Parrain, au Septième sceau, à Amadeus, ET, Basic Instinct, T2… La liste est incroyablement longue et témoigne de la volonté acharnée de McTierman de tordre le cou au genre qui l’a rendu célèbre. Même Will le coyote est invité à ce festin esthétique et culturel !! Et c’est là qu’on se rend compte que le créateur de Piège de Cristal a été fortement influencé par le cinéma européen.

 

Bien évidemment, le film déménage et les scènes tournées à Los Angeles, sous une lumière magnifique, témoignent du sens époustouflant du cadrage de McT ! On est clairement dans le film hollywoodien typique des 80’s avec des dialogues improbables, des situations délirantes et plus qu’exagérées, des personnages taillés à la serpe et un environnement artificiel au possible. Ainsi quand Danny compare le commissariat où officie Jack Slater avec celui , réel, où il a dû faire sa déposition, le film met astucieusement en concurrence les deux univers. Cette dualité est renforcée par le travail sur l’ambiance : festive, colorée, chaude dans celui de Jack Slater, blafarde, pluvieuse et triste dans celui de Danny.

 

Mais c’est dans sa dernière partie que Last Action Hero atteint des sommets, quand Jack rencontre Arnold, quand la créature rencontre son créateur et tente de comprendre pourquoi les scénaristes lui font autant de mal. La grande scène d’action lors de la première et le combat final où s’entrechoquent les deux mondes constitue sans doute le travail le plus imposant du réalisateur. Tout y est parfait, que cela soit la dramaturgie, les effets visuels, l’ambiance sous la pluie ! Mc Tierman tient ici une pierre angulaire, la clé de voûte d’un film qui se refuse à toute médiocrité.

 

Analyser Last Action Hero prendrait des pages. Je l’avais d’ailleurs fait dans les années 90 dans un fanzine papier qui eut une brève existence (et dont je ne possède hélas plus un seul exemplaire). Je m’étais même amusé à rependre certains dialogues fabuleux comme la scène où Danny explique au commissaire que Jack est son meilleur ami, surtout depuis que « votre femme vous a quitté pour le nain unijambiste ». Ce passage, somme toute anodin, témoigne de la volonté de ne rien laisser au hasard, de n’avoir aucun plan, aucune scène sans une idée, sans une référence. Rien n’est gratuit dans Last Action Hero, y compris les nombreux faux raccords qui jalonnent le film, le plus facile à déceler étant le moment où Slater rentre dans son appartement sous un soleil éclatant et que la baie vitrée révèle alors une pluie battante.

 

Alors même si le film n’a récolté « que » 49 millions de dollars aux USA,   même si on attend depuis 20 ans une version vidéo digne de ce nom, avec au minimum un making of, même si McTierman semble avoir renié le film, Last Action Hero demeure au panthéon du cinéma ! Un divertissement d’une intelligence rare, trop intelligent peut être, et sans aucun doute le rôle le plus complet d’Arnold avec True Lies !

 

Un jour peut être, le film débarquera dans une version digne de ce nom. En attendant, il nous reste toujours cette version basique pour nous émerveiller et se dire qu’Hollywood peut réserver de sacrées surprises, même si le public ne s’en aperçoit pas toujours.

 

Last Action Hero (*****)
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1 novembre 2013 5 01 /11 /novembre /2013 10:57

Strange Days

Le pitch : Ancien policier, Néro est un petit trafiquant de squid, des disques qui permettent d’enregistrer et de revivre les sensations d’un autre. Mais un jour, un disque d’une rare brutalité va le mettre devant ses responsabilités.

 

Kathryn Bigelow a été reconnue par ses paires avec Démineurs et a connu un succès mondial avec Zero dark Thirty. Mais avant cette doublette d’exception, il y avait eu Aux frontières de l’aube, Point Break et ….Strange Days !! Un film fleuve, produit et écrit par un James Cameron en état de grâce et dont l’impact fut d’une puissance incroyable. Problème : personne n’alla le voir (ou presque !! Votre serviteur eut la chance de le voir en salle et se rua sur le Laserdisc dès sa sortie).

 

Tout était fait pour que le film soit un triomphe. Ralph Fiennes venait de tourner La liste de Schindler, Cameron avait triomphé avec True Lies et Katryn était à l’apogée de la première phase de sa carrière. Ajoutez à cela un thème puissant et totalement dans l’ère du temps, une mise en scène implacable et un scénario bourré de rebondissement. Bref, le blockbusters calibré pour le succès. Mais rien ne se passa comme prévu.Strange Days s’écrasa dès son premier week-end (3,7 millions seulement) et finit sa carrière à 7,9 ! Il en avait coûté 42 ! La grande Katryn mit 7 ans pour revenir à la mise en scène (la doublette K19 – Le poids de l’eau) et il est clair que cet échec a retardé l’éclatement de son talent sur la scène mondiale.

 

Mais foin de chiffre ! Strange Days n’est pas seulement le meilleur film d’anticipation de ces 20 dernières années ! C’est surtout une leçon de cinéma qui vous prend à la gorge dès sa première scène (un braquage vécu en temps réel). À partir de là, le film vous aspire et ne vous lâche plus. Construit comme une poupée gigogne avec retour dans le passé, scènes hallucinantes en point de vue subjectif (dont une très éprouvante scène de viol) et atterrissage brutal dans le présent, Strange Days ne cherche jamais à faciliter la tâche du spectateur, l’estimant suffisamment intelligent pour remettre toutes les pièces du puzzle dans l’ordre.

 

On suit alors les mésaventures de Néro, on le voit s’enfoncer de plus en plus loin dans l’échec et chercher vainement la lumière au bout d’un tunnel cauchemardesque. Car ce qui commence comme un film de Geek va rapidement se transformer en un thriller implacable et une réflexion incroyablement poussée sur le pouvoir de l’image. Un thème gonflé dans un film de cinéma. Car ici, le squid n’est qu’un prétexte pour parler d’amour perdu, de pouvoir et de manipulation. En faisant de son héros, un looser profiteur et paresseux, Cameron brisait le moule classique qu’il avait pourtant édifié durant des années. Mais en faisant d’une femme (magnifique Angela Basset) le personnage fort du film, il renoue avec la tradition des 2 Terminators, d’Abyss ou d’Aliens. Bref, Cameron reprend ses thèmes favoris, notamment la méfiance envers l’autorité, et les entremêle avec des nouveaux. Mais cette opposition entre un homme faible et une femme forte explique sans doute l’échec du film, sans compter le choix du héros : Ralph Fiennes ne sortira de l’image du salaud ultime qu’avec Le patient anglais, un an plus tard.

 

Côté distribution, Strange Days bénéficie de l’interprétation très ambiguë de Juliette Lewis, à la fois Sainte Nitouche et très sexuée. Très courte vêtue, manipulatrice tout en cachant mal ses sentiments, l’actrice interprète également deux superbes chansons dans le film, parfait mélange entre mélodie tordue et son métallique brutal !! Lewis se donne à fond et est donc l’antithèse d’Angela Basset, cette dernière restant d’une fidélité sans faille à Néro. Michael Wincott joue dans son registre habituel du méchant que l’on aimera détester (même s’il se révèle au final une victime) et parvient sans souci à égaler ses performances de 1492 et The Crow. Il est amusant que les cheveux de l’acteur seront de plus en plus court au fur et à mesure que ses personnages deviennent moins « 100 % Evil » et il finira avec une coupe très courte dans Alien 4. Mais là, il est encore à fond dans le trip heavy, surtout dans cette scène où il joue de la guitare dans son immense loft !

 

Tom Sizemore interprète également un personnage à la moralité douteuse et lui donne une aura parfois vénéneuse.

 

Scénario dantesque, personnages extraordinaires, mise en scène au cordeau… À toutes ces qualités, Kathryn Bigelow ajoute un aspect très heavy metal : bande son travaillée très métal, cheveux longs et tatouages en pagailles, culture underground omniprésente… La réalisatrice prolonge son travail entamé dans Point Break en s’intéressant à ce que la société appelle des « marginaux ». Il est clair qu’elle aime cette frange parallèle et remuante de la musique. Et sa façon de filmer lui rend totalement hommage.

 

Bien sûr, Strange Days n’est pas seulement un film heavy metal ! C’est aussi  un sacré long-métrage d’action, avec des scènes où le talent de sa réalisatrice éclate à l’écran. Le point culminant est, bien entendu, la fiesta de l’an 2000, avec ses milliers de figurants, ses concerts à tous les coins de rue et son émeute qui s’inspire de l’affaire Rodney King. Bigelow et Cameron n’ont pas fait les choses à moitié et la tension, palpable, est le moteur final du film.

 

Strange Days se finit sur un plan magnifique, où Néro se décide enfin à tourner la page et avouer son amour à son « garde du corps ». Le couple s’embrasse alors que la caméra s’envole et que la foule tout entière autour d’eux danse au son de la nouvelle année. Du début à la fin, le film a tenu toutes ses promesses. Dommage que le spectateur n’ait pas eu envie de tenter l’aventure…

 

Strange Days (*****)
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  • Enseignant, fan de cinéma et de métal, chanteur dans différents groupe de métal, collectionneur de tout ce qui touche à Star Wars... what else ?
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La côte

***** Chef d'oeuvre !!

**** Très bon, allez y vite !!

*** 1/2 * Entre le bon et très bon, quoi...

*** Un bon film

** Moyen, attendez la vidéo

* Comment ai-je pu aller voir ça ??

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