Le pitch :10 000 ans avant notre ère, un jeune
chasseur se lance à la poursuite des hommes qui ont attaqué son village et enlevé sa fiancé…
Il y a du Apocalypto dans le dernier Roland Emmerich. Un soupçon de Stargate aussi. Et un
zeste d’ID4 aussi. Tant qu’à citer quelqu’un autant citer soi même (pour les deux derniers films). Pour autant, comment appréhender 10 000 ?
Roland Emmerich a cela de merveilleux qu’il se renouvelle à chaque fois (SF, film d’invasion,
film de monstre, film historique, film d’anticipation écologique…) et qu’il offre au public ce qu’il voulait voir. Dans ID4, le public voulait voir des Aliens détruire les plus grandes villes
puis se faire botter le cul : il l’a eu. Dans Godzilla, le public voulait voir un monstre crédible et non un gus en costume, il l’a eu. Dans Stargate, le public voulait de la SF quelque peu
miraculeuse, de l’aventure bon enfant, de l’exotisme et des effets visuels somptueux, il les a eu… Et l’on peut continuer l’énumération.
Dans 10 000, le public vient voir des bestioles préhistoriques. Pari gagné, les mammouths
sont superbes, les oiseaux géants sont peut-être anachroniques mais ils sont terrifiants à souhaits. Seul le tigre à dent de sabre, imposant , sent un peu la 3D. Mais pour le
reste.
Le public vient voir des hommes préhistoriques dans leur vie quotidienne. Il les a, même si
on peut gausser sur leurs dents un peu trop blanches. Certains ont trouvé ridicule qu’ils parlent anglais. Peut-être mais seule une partie des acteurs parle notre langue. Emmerich se doute quand
même que le public n’aura peut-être pas envie de se taper des sous-titres tout au long d’un film de divertissement. Mais il ne refuse tout de même pas de montrer plusieurs tribus s’exprimer dans
leur dialecte, y compris les oppresseurs qui en deviennent encore plus étrangers.
Le public vient voir de l’action : là aussi , il n’est pas déçu. Chasse aux mammouths,
révolte d’esclaves, lutte contre des oiseaux carnassiers dans des forêts de bambou… Pas de doute, le film d’aventure exotique réussit à Roland.
Le public aime les décors « bigger than life ». Pas de problèmes non plus :
les paysages sont grandioses et à couper le souffle, la vue aérienne du chantier en imposera à plus d’un. Le mélange maquette/3 D (la marque de fabrique de Roland) est ici, une fois de plus , au
top. D’un point de vue visuel, le film est une réussite totale. Les costumes montrent que Stargate n’était , finalement, qu’un brouillon. Quant à l’architecture du chantier, elle éclate à la face
du spectateurs dans de superbes plans d’une maestria inouïe. Franchement, on a jamais vu les temps préhistoriques comme cela à l’écran. On sent que le cinéaste a aimé faire ce film, qu’il y a
projeté tout son art, qu’il a poussé ses équipes dans leurs derniers retranchements !!
Il y a de l’Apocalypto dans 10 000 pour le thème général , une civilisation surpuissante qui
razzie les villages moins évolués pour servir sa cause (sacrifice humain chez Gibson, construction de pyramide chez Emmerich) et pour la construction du film : une première partie dans le
village à la découverte de sa vie quotidienne puis une deuxième plus centrée sur l’action et les courses poursuites. A la différence notable que Roland Emmerich utilise une violence plus
soft.
Mais ce qui distingue 10 000 d’un vulgaire plagiat, c’est son histoire. Ici, le héros va
entraîner le reste de l’humanité dans sa course et non pas lutter pour sa seule survie. De plus, Emmerich reste volontairement ambiguë sur les Dieux : extra-terrestres ? Atlante ?
simples humains ? Qu’importe, ils sont ici pour représenter le mal et l’oppression.
Car 10 000 s’inscrit dans l’obsession de Roland Emmerich : la lutte pour la liberté.
Depuis Universal Soldier et les états d’âme de Vandamme pour sortir de sa condition d’esclave, tous les films du cinéaste allemand tourne autour de ce thème (y compris Godzilla mais dans une
mesure moindre). Qu’ils se battent contre les anglais, les aliens voire la nature, les héros d’Emmerich luttent pour la liberté, la leur , celle de leur famille, de leur peuple, de la terre
entière… 10 000 n’échappe pas à la règle.
Alors oui, le film n’est pas exempt de défaut (le happy end est un peu léger, le rythme est
parfois haché) mais jamais ennuyeux. Et le cinéaste met un tel amour dans son métrage qu’on lui pardonne toutes les petites fautes. Et en offrant au peuple noir la plus grande invention de
l’humanité, l’agriculture, Emmerich prouve qu’il est un incorrigible humaniste et un anti-raciste véritable, pas un moralisateur de salon.
10 000 est une belle réussite, un film qui tient toutes ces promesses. Certes, Roland ne
réitère pas l’exploit de ID4 (mais le peut-il ? le veut-il ?) mais il ne trompe pas sur la marchandise. Son pamphlet anti-oppression préhistorique ne mérite en aucune manière
l’acharnement débile dont il est victime.
Car , contrairement à beaucoup, Emmerich respecte le public au point de lui offrir ce qu’il
sait faire de mieux. Et comme l’animal est doué, on ressort comblé !! Danke, mein Freund.